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Case report

Diagnostic à terme de jumeaux conjoints

Diagnostic à terme de jumeaux conjoints

Diagnosis of conjoined twins in a pregnant woman at term

Imane Benchiba1,&, Mohammed Karam Saoud1, Nisrine Mamouni1, Sanaa Errarhay1, Chahrazad Bouchikhi1, Banani Abdelaziz1

 

1Service Gynécologie-Obstétrique I, CHU Hassan II de Fez, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Imane Benchiba, Service Gynécologie-Obstétrique I, CHU Hassan II de Fez, Maroc

 

 

Résumé

Les jumeaux conjoints sont une malformation rare des grossesses gémellaires monozygotes et mono-amniotiques. Nous rapportant la découverte anténatale de jumeaux conjoints dicéphale à 37 SA. Le pronostic fœtal de cette malformation reste très sombre, nécessitant un recours à une interruption de la grossesse si le diagnostic été posé précocement. A partir de cette observation et une brève discussion, nous faisons un rappel sur cette pathologie rarissime, sur son diagnostic échographique essentiel pour établir une stratégie de prise en charge post natale et sur son pronostic qui reste le plus souvent très réservé.


Conjoined twins are a rare malformation of monozygotic and mono-amniotic twin pregnancies. We report the case of a patient in whom dicephalic conjoined twins was diagnosed in the antenatal period at 37 week amenorrhea. Fetal prognosis is very poor and, if the diagnosis has been made early, it most often requires therapeutic abortion. The purpose of this case study was to remind clinicians of this very rare disease, of the importance of ultrasound as an essential diagnostic tool to implement a strategy to manage patients in the postpartum period and of prognosis which is most often very guarded.

Key words: Conjoined twins, malformations, prenatal diagnostic ultrasound

 

 

Introduction    Down

Les jumeaux conjoints sont une anomalie très rare concernant les grossesses gémellaires monozygotes. Ils sont dus à une division incomplète du disque embryonnaire au-delà du 13ème jour gestationnel [1]. Leurs classifications se fait selon le site de connexions. Le diagnostic anténatal précoce de cette pathologie est nécessaire afin d'assurer un suivi adapté et une éventuelle décision obstétricale adéquate.

 

 

Patient et observation Up    Down

Il s'agit d'une patiente âgée de 24 ans, sans antécédents pathologiques notables, sans de notion de consanguinité, G1P0. Grossesse actuelle estimé a 37 SA selon une date des dernière règle précise suivi chez un gynécologue privé, ayant bénéficié d'une échographie à 17 SA n'ayant pas posé le diagnostic de jumeaux conjoints puis patiente perdu de vue. Consulte en urgence obstétricale en début de travail.

 

L'examen clinique a l'admission trouve une patiente consciente, normo tendu, normo carde, eupnéique et apyrétique. L'examen obstétrical trouve une hauteur utérine à 34 cm, BCF positif dans un seul foyer à 150 battements/min, contractions utérines positives. Au spéculum col macroscopiquement normal, pas de métrorragie ni d'hydrorrhée. Au toucher vaginal, col dilaté a 1 doigt large, effacé à 60% central.

 

La patiente a bénéficié d'une échographie obstétricale (Figure 1) objectivant une grossesse gémellaire monochoriale monoamniotique avec fusion des deux rachis au niveau lombaire et la présence d'un cœur unique, le nombre des membres supérieurs et inférieurs est difficile a déterminé. L'aspect échographique fait évoquer le diagnostic de jumeaux conjoints. La patiente a bénéficié aussi d'une radiographie du contenu (Figure 2) montrant deux têtes fœtales avec deux rachis fusionnant au niveau de la région lombaire.

 

Après avoir informé la patiente du pronostic de l'accouchement et du pronostic fœtal la décision était de la césarisée. L'extraction était difficile vu que la 2ème tête était en hyper extension. L'Apgar à la 1ère minute était de 5 dixième devenant 7 dixième a la 5 minutes. Le poids de naissance était de 3300g. L'examen du délivre (Figure 3) objective des anomalies vasculaires, trois artères et une veine. Les jumeaux (Figure 4) examinés par les pédiatres dont l'examen initial a décelé une ectopie cardiaque avec deux trachées et deux œsophages, aucune autre malformation n'a pu être objectivé cliniquement. Les jumeaux ont présenté une détresse respiratoire intubée au niveau des deux trachées ventilées avec échec des mesures de réanimation, décédés à H 3 de vie.

 

 

Discussion Up    Down

Les jumeaux conjoints sont dues d'un défaut de clivage des grossesses monozygotes au stade du disque embryonnaire. La première observation in utero par échographie de jumeaux conjoints [2] est due à Wilson en 1976. Le sexe féminin est plus fréquent avec un ratio de 1,6 à 3. Leur fréquence est estimée entre un pour 40000 à un pour 80 000 naissances, mais seulement à un pour 200 000 enfants nés vivants. Il n'y a pas de cas connu de triplets ou de quadruplets conjoints [2]. Plusieurs classifications ont été décrites en fonction du site d'union, des organes communs et de la symétrie. Saint-Hilaire en a établi une en 1832, se basant sur la description du site d'union externe et sur la symétrie. Il en résulte huit types de duplication complète: les jumeaux conjoints céphalopages, thoracopages, omphalopages, ischiopages, parapages, craniopages, pygopages et rachipages [3]. Le cas que nous rapportons est un cas rare résultant d'une duplication incomplète des jumeaux appelé dicéphales (un seul corps et 2 têtes).

 

De nombreux cas rapportés dans la littérature internationale sont diagnostiqués à partir de la 9ème semaine d'aménorrhée. En France, compte tenu de la pratique des échographies au cours de la grossesse, le diagnostic de jumeaux conjoints devrait pouvoir presque toujours être fait lors de l'examen du premier trimestre, entre la 10ème et la 13ème semaine d'aménorrhée. Certaines formes incomplètes peuvent être difficiles à diagnostiquer; elles devront être élucidées lors de la deuxième échographie réalisée autour de 22 semaines d'aménorrhée. L'analyse ne doit pas s'arrêter au diagnostic de JC, mais doit aussi recherché des anomalies malformatives associées compte tenu de leur plus grande fréquence et de l'aggravation du pronostic que leur découverte va entrainer. Les autres techniques d'imagerie (radio du contenu utérin et imagerie par résonance magnétique (IRM)) peuvent parfois apporter un complément d'information, à visé pronostique, mais ceci tardivement. L'embryoscopie est à la disposition de peu d'équipes. Dans notre cas la patiente avait bénéficié d'une échographie a 14 SA d'aménorrhée qui malheureusement n'a pas pu poser le diagnostic de jumeaux conjoint due probablement à un opérateur inexpérimenté. Dans le cas où le diagnostic a été posé tardivement au 2ème trimestre ou au 3ème trimestre, l'intérêt de la surveillance à ce stade se voit dans le cas où la décision de conservé la grossesse a été prise afin de rechercher l'apparition d'éventuelles anomalies associées passées inaperçues jusque-là, et de de donner des précisions utiles à l'équipe chirurgicale pour mieux posé la stratégie postnatale.

 

Le pronostic des jumeaux conjoints reste très réservé. Pour Romero, 39% des jumeaux conjoints sont mort-nés et 34% meurent dans les heures qui suivent la naissance [4]. La survie des jumeaux dépend du type d'union (organes en commun) et des autres anomalies associées. Actuellement, seules quelques équipes chirurgicales pédiatriques sont capables d'envisager une chirurgie de séparation des deux jumeaux, à condition qu'il n'y ait pas d'association malformative sévère. Quand l'échographie anténatale montre l'existence de malformations sévères une interruption médicale de grossesse doit être proposée après avis demandé auprès d'une équipe chirurgicale compétente.

 

 

Conclusion Up    Down

Le pronostic des JC dépend essentiellement du site et de l'extension des organes fusionnés. La première échographie à 12 ou 13 SA sera importante pour rechercher ce diagnostic et pour évaluer les éventuelles anomalies associées. Le diagnostic précoce et exact de JC reste un défi, mais est important pour planifier un accueil de l'enfant en cas de malformation curable. Si celle-ci est incurable, une interruption médicale de la grossesse précoce sera possible, évitant un accouchement tardif et traumatisant aussi bien sur le plan physique que psychologique [5].

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Imane Benchiba: prise en charge diagnostique de la patiente, contribution à la prise en charge thérapeutique, rédaction de l'article et revue bibliographique. Mohammed Karam Saoud: contribution à la prise en charge thérapeutique, contribution à la recherche bibliographique et rédaction de l'article. Nisrine Mamouni, Sanaa Errarhay, Chahrazad Bouchikhi, Banani Abdelaziz: contribution dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: image échographique montrant les deux rachis fusionnant (flèche bleue) et un cœur unique au milieu (étoile bleue)

Figure 2: image de la radiographie du contenu utérin montrant les deux têtes fœtales et les deux rachis fusionnant au niveau lombaire (flèche noire)

Figure 3: placenta monochorial mono amniotique avec un cordon à quatre vaisseaux

Figure 4: image post natale des jumeaux conjoints vue antérieure et postérieure

 

 

Références Up    Down

  1. Konan Blé R, Séni K, Adjoussou S, Quenum G, Akaffou E, Koné M. Jumeaux conjoints craniopages: difficultés de prise en charge en milieu africain. Gynecol Obstet Fertil. 2008;36(1):56—9. Google Scholar

  2. Wilson RL, Cetrulo CL, Shaub MS. The prepartum diagnosis of conjoined twins by the use of diagnostic ultrasound. Am J Obstet Gynecol. 1976 Nov 15;126(6):737. PubMed | Google Scholar

  3. Spencer R. Anatomic description of conjoined twins: a plea for standardized terminology. J Pediatr Surg. 1996 Jul;31(7):941-4. PubMed | Google Scholar

  4. Romero R, Pilu G, Jeanty P, Ghidini A, Hobbins JC. Prenatal diagnosis of congenital anomalies. Norwalk, Connecticut: Appleton and Lange; 1988.

  5. El-Shalakany AH. Cephalic replacement in conjoined twins. Br J Obstet Gynaecol. 1996 Feb;103(2):183-4. PubMed | Google Scholar