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Original article

Hydrops fetalis associé à la toxoplasmose maternelle: à propos d’une observation et revue de la littérature

Hydrops fetalis associé à la toxoplasmose maternelle: à propos d’une observation et revue de la littérature

Hydrops fetalis associated with maternal toxoplasmosis: about a case and literature review

Michel Kasonga Kasonga1,2, Jean-Claude Otshudi Diumi1, Paul Mujangi Beya2, Albert Mande Bwabwa2, Blaise Kaki Bal’Olam1, Roger Munan Muzaz1,3, Ignace Bwana Kangulu1,4,&

 

1Clinique Universitaire de Lubumbashi, Département de Gynécologie et Obstétrique, Lubumbashi, Congo, 2Institut Supérieur des Techniques Médicales de Demba, Congo, 3Université de Lubumbashi, Faculté de Médecine, Département de Gynécologie et Obstétrique, Lubumbashi, Congo, 4Université de Kamina, Faculté de Médecine, Département de Gynécologie et Obstétrique, Congo

 

 

&Auteur correspondant
Ignace Bwana Kangulu, Université de Kamina, Faculté de Médecine, Département de Gynécologie et Obstétrique, Clinique Universitaire de Lubumbashi, Lubumbashi, Congo

 

 

Résumé

Les auteurs rapportent un cas d’hydrops fetalis diagnostiqué et pris en charge aux Cliniques Universitaires de Lubumbashi en République Démocratique du Congo. L’échographie réalisée avait diagnostiqué une mort fœtale in utero avec anasarque foeto-placentaire et le bilan étiologique réalisé avait révélé la toxoplasmose maternelle. Ce cas clinique rappelle l’impact de la morbi-mortalité fœtale de la toxoplasmose pendant la grossesse et plaide pour l’intégration de son dépistage systématique chez les femmes enceintes congolaises.


English abstract

We here report a case of hydrops fetalis diagnosed and treated at the University Clinics of Lubumbashi in the Democratic Republic of the Congo. Fetal death in utero with feto-placental anasarca was diagnosed via ultrasound and etiologic evaluation showed maternal toxoplasmosis. This clinical case highlights the impact of fetal morbi-mortality due to toxoplasmosis during pregnancy and calls for the implementation of a systematic screening among Congolese pregnant women.

Key words: Hydrops fetalis, toxoplasmosis, fetal death in utero

 

 

Introduction    Down

L’anasarque foeto-placentaire dit Hydrops fetalis est définie comme étant l’accumulation anormale de liquide dans au moins deux loges fœtales distinctes. Elle sous-entend la présence d’une teneur en eau corporelle totale excessive, ce qui prend habituellement la forme d’une accumulation extracellulaire de liquide dans les tissus et les cavités séreuses. Elle se manifeste généralement sous forme d’œdème sous-cutané, s’accompagnant d’épanchements dans deux cavités séreuses ou plus (y compris les épanchements péricardiques ou pleuraux et l’ascite). Malgré la tenue d’explorations exhaustives, l’étiologie de l’anasarque foeto-placentaire non immune peut demeurer inconnue chez de 15% à 25% des patientes. Parmi les causes connues, notons les anomalies chromosomiques, les cardiopathies fœtales, les maladies infectieuses, les anomalies congénitales structurelles fœtales, les troubles hématologiques et les troubles mono-géniques [1-3]. Les infections intra-utérines sont une cause courante d’anasarque foeto-placentaire (de 4% à 15%), l’infection à parvovirus B19 et l’anémie secondaire étant les plus fréquentes [4]. La toxoplasmose fœtale, la syphilis, le cytomégalovirus et la varicelle peuvent également prendre la forme d’une anasarque foeto-placentaire; ces troubles étant couramment associés à des constatations telles que l’hépatomégalie, la splénomégalie ou l’ascite. Malheureusement, dans notre pays, le dépistage de ces pathologies n’est pas toujours systématique chez les femmes enceintes. Nous vous présentons un cas d’une anasarque foeto-placentaire diagnostiquée chez une femme enceinte aux cliniques universitaires de Lubumbashi.

 

 

Patient et observation Up    Down

La gestante âgée de 34 ans, de parité 4, gestité 5, sans antécédent d’avortement, ayant consulté pour douleurs abdominales traitées à l’Indométacine sans succès, œdèmes des membres inférieurs et gêne respiratoire. L’âge de la grossesse était estimé à 27 semaines d’aménorrhée. A l’examen physique, l’Etat Général était bon, l’abdomen distendu par l’utérus gravide, Hauteur Utérine 36 cm, BCF perçus mais lointains, présentation imprécise. A l’examen gynécologique, le col était postérieur, mou, long et fermé. Nous avons noté des œdèmes des membres inférieurs allant des tiers moyens des jambes jusqu’aux pieds, douloureux et ne prenant pas le godet. L’échographie du contenu utérin demandée et réalisée avait mis en évidence les éléments suivants: Liquide amniotique: indice 195mm (Hydramnios); Bouffissure de la face; Présence d’un hallo péri encéphalique; BCF: absents; Epanchement péricardique; Epanchement intra-péritonéal et dilatation des anses intestinales; Placenta antérieur et œdématié

 

Les résultats des examens biologiques demandés nous sont revenus comme suit: Elisa IgG CMV: absente; Elisa IgM CMV: absente; Elisa IgG Toxoplasma: 178UI/l (valeur normale inf. 150UI/l; Elisa IgM Toxoplasma: 48(sup 15UI/l); Elisa Rubéole IgG: absente; Elisa HVS2: absente; Elisa HVS1: présente; Elisa listeria M: absente; VDRL: Négatif; Glycémie: 84mg%; Protéinurie: négative.

 

Au vu de ces résultats, nous avons conclu à une mort fœtale in utero avec anasarque foeto-placentaire: bouffissure faciale (Figure 1) et ascite (Figure 2) et hydramnios sur terrain de toxoplasmose chez une grande multipare âgée de 34 ans dont la grossesse était de 27 semaines d’aménorrhée. L’accouchement a déclenché a donné naissance à un nouveau-né mort in utero avec cyanose des extrémités (Figure 2) pesant 3500g. Le placenta était œdématié (Figure 3) et pesait 550g.

 

 

Discussion Up    Down

Fréquence

 

Il est noté dans la littérature que la prévalence de l’anasarque fœtale d’origine non immune est difficile à estimer de manière précise en raison de la résolution spontanée qui peut survenir en période prénatale mais également en raison du fait que les séries dans la littérature concernent généralement des faibles effectifs ou des cases reports. Cependant, la prévalence généralement retrouvée pour les anasarques fœtales d’origine non immune est de 1/1500 à 1/3750 grossesses [5-7]. Amini et al. dans leur étude sur l’évaluation des causes, de la fréquence et causes de l’hydrops fetalis à Tahran (Iran) avaient trouvé une fréquence de 0,35%. Parmi les cas, les auteurs avaient identifié 18.42% d’anasarque d’origine immune et 81,48% d’anasarque non immune [8]. Dans notre milieu, nous n’avons trouvé aucune publication à ce sujet.

 

Etiologies

 

Les étiologies des ascites et anasarques fœtales se divisent en deux grandes catégories: les causes immunes qui correspondent à l’allo-immunisation Rhésus foeto-maternelle. Elles représentent une faible proportion des étiologies d’ascite et hydrops foetaux (< 20%); les causes non immunes, plus fréquentes, puisqu’elles représentent 76 à 87% des causes d’anasarques [5,9]. Malgré la tenue d’explorations exhaustives, l’étiologie de l’anasarque foetoplacentaire non immune peut demeurer inconnue chez de 15% à 25% des patientes [1]. Une origine infectieuse de l’ascite est prouvée lorsque l’on retrouve une élévation du taux des IgM (100% de spécificité et 100% de sensibilité). Concernant le présent cas, après le bilan étiologique réalisé, nous avons conclu à une cause infectieuse due à la Toxoplasmose (Elisa IgG Toxoplasma 178UI/l, Elisa IgM Toxoplasma 48 UI/l). La toxoplasmose est incriminée parmi les causes infectieuses des anasarques foeto-placentaires dans plusieurs études à côté de la rubéole, la syphilis, le cytomégalovirus, le herpès simplex virus et le parvovirus B19 [1,7, 8]. Dans l’étude de Guennas, l’ascite fœtale était d’origine infectieuse dans 16 cas (8,9%) avec une prédominance des fœtopathies à CMV (n = 9; 60%), suivies des infections à PVB19 (n = 5; 33,3%) et seulement un cas de toxoplasmose (6,7%) était diagnostiqué [7]. Les méthodes de laboratoire utilisées pour l’évaluation des infections virales sont réparties en deux catégories: sérologie et détection de virus ou de parasite [10]. La sérologie est très sensible, mais elle n’est souvent pas en mesure de déterminer de façon incontestable le moment de l’infection, ce qui peut s’avérer d’une importance cruciale aux fins de l’évaluation du risque. Les tests sérologiques traditionnels, lesquels mesurent les taux d’anticorps (dont l’immunoglobuline M et l’immunoglobuline G), nécessitent habituellement deux prélèvements ayant été effectués à des moments séparés par une période importante, et ce, aux fins de la détermination de la séroconversion ou pour pouvoir constater une hausse substantielle du titre [10]. L’identification de l’IgM est plus révélatrice de la présence d’une infection récente que celle de l’IgG; toutefois, la présence d’IgM peut persister pendant plusieurs mois, voire des années, dans certains cas [11]. Les sérologies permettant de mettre au jour la toxoplasmose, la rubéole, le cytomégalovirus, l’herpès simplex et le parvovirus B19 chez la mère sont couramment mises en œuvre lorsque l’on soupçonne la présence d’une infection fœtale.

 

Diagnostic

 

L’élément révélateur chez la patiente était la hauteur utérine excessive (surdistension utérine) chez une gestante se plaignant des douleurs abdominale. L’échographie du contenu utérin nous a permis de retenir le diagnostic d’anasarque foeto-placentaire (hallo péri encéphalique, épanchement péricardique, ascite, dilatation des anses, hydramnios, placenta épais, homogène et hyperéchogène). Ceci prouve l’importance de la pratique des échographies chez la femme enceinte. Chez la patiente, l’échographie était réalisée à la 27e semaine, ce qui explique ce diagnostic tardif.

 

Pronostic fœtal

 

Le travail déclenché artificiellement a donné naissance à un nouveau-né mort in utero (Figure 2). L’anasarque foeto-placentaire, toutes causes confondues, compte un taux de mortalité périnatale élevé. Les anomalies chromosomiques fœtales, l’âge gestationnel < 24 semaines et les anomalies structurelles fœtales autres que le chylothorax sont tous des indicateurs d’un piètre pronostic. Toutefois, la mise en œuvre d’un traitement fœtal a entraîné une hausse considérable du taux de survie dans certains cas [1]. Dans une étude française, il est noté que les pathologies de meilleur pronostic concernent les ascites isolées idiopathiques (sans anasarque) avec un taux de mortalité de 11,1% puis les anomalies digestives avec un taux de mortalité de 26,7%. Viennent ensuite les chylopéritoines et les anomalies cardiaques avec 40% de mortalité. Les étiologies de moins bon pronostic comprenaient les immobilismes fœtaux avec 100% de mortalité puis les pathologies infectieuses et les syndromes polymalformatifs avec 93,3% de mortalité et enfin les anomalies génétiques avec un taux de mortalité de 89,6%. L’auteur notait aussi que l’anasarque fœtale associée à l’ascite était un facteur de mauvais pronostic. En effet, puisque toutes causes confondues, le taux de mortalité était de 57,7% en cas d’ascite fœtale et il passe à 74,7% en cas d’anasarque fœtale associée (p < 0,05). Cette différence est encore plus flagrante si l’on s’intéresse aux épanchements d’origine idiopathique. En effet le taux de mortalité en cas d’ascite idiopathique est de 11,1% et il passe à 83,3% en cas d’anasarque idiopathique (p < 0,01) [7].

 

 

Conclusion Up    Down

L’anasarque foeto-placentaire est une pathologie avec pronostic fœtal et néonatal redoutable surtout dans nos milieux où la prise en charge fœtale in utero pose problèmes. Son dépistage précoce et le dépistage de ses différentes causes avant et pendant la grossesse permettront d’améliorer le pronostic et de diminuer sa survenue. Dans notre milieu, nous plaidons pour le dépistage systématique des pathologies incriminées chez les femmes enceintes.

 

 

Conflits d’intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont contribué à la rédaction et à la publication de cette article du début jusqu’à la fin. Tous les auteurs ont contribué à la conduite de ce travail. Tous les auteurs déclarent également avoir lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: œdème facial chez un nouveau-né avec hydrops fetalis

Figure 2: nouveau-né mort in utero avec anasarque (œdème facial et ascite visibles sur l’image)

Figure 3: face maternelle du placenta œdématié

 

 

Références Up    Down

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