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Case report

Un cas rare de carcinome épidermoïde de la langue, variante à cellules claires: à propos d´un cas

Un cas rare de carcinome épidermoïde de la langue, variante à cellules claires: à propos d´un cas

Case study focusing on a rare case of squamous cell carcinoma of the tongue: a clear cell variant

Tiabi El Mehdi1,&, Nassira Karich1, Achraf Miry1, Amal Bennani1

 

1Service d´Anatomie Pathologique, Centre Hospitalier Universitaire Mohammed VI, Faculté de Médecine et de Pharmacie d´Oujda, Université Mohammed Premier, Oujda, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Tiabi El Mehdi, Service d´Anatomie Pathologique, Centre Hospitalier Universitaire Mohammed VI, Faculté de Médecine et de Pharmacie d´Oujda, Université Mohammed Premier, Oujda, Maroc

 

 

Résumé

La variante à cellules claires du carcinome épidermoïde est une variante mal connue, très rare, et peu décrite dans la littérature, avec seulement 10 cas. Elle survient généralement au niveau de la cavité buccale, avec une prédominance féminine. Nous rapportons le cas d´un homme de 47 ans, qui s´est présenté avec une masse bourgeonnante de la base de la langue, d´évolution rapide. Le diagnostic de carcinome épidermoïde, variante à cellules claires a été retenu sur des bases histologiques et immunohistochimiques.


Clear cell squamous cell carcinoma is a poorly known, very rare, and poorly described variant of squamous cell carcinoma, with only 10 cases reported in the literature. It usually occurs in the oral cavity, with predominance of the female sex. We report the case of a 47-year-old man presenting with a rapidly growing budding mass in the base of the tongue. The diagnosis of clear cell squamous cell carcinoma was retained based on histological and immunohistochemical results.

Key words: Squamous cell carcinoma, clear cells, immunohistochemistry, case report

 

 

Introduction    Down

Le carcinome épidermoïde (CE) est une tumeur maligne fréquente des kératinocytes épidermiques qui présente des degrés variables de différenciation. On le retrouve le plus souvent dans les zones exposées au soleil, notamment le cuir chevelu, et le visage. Cependant, c´est un processus qui se développe à la suite de plusieurs étapes. Dans sa variante à cellules claires, le carcinome épidermoïde demeure extrêmement rare, avec seulement 10 cas décrits dans la littérature anglaise [1]. Nous rapportons un cas de CE à cellules claires de la langue chez un homme de 47 ans.

 

 

Patient et observation Up    Down

Informations relatives aux patients: il s´agit d´un patient de 47 ans, qui présente des antécédents de tabagisme, et qui a consulté pour une tuméfaction de la langue évoluant depuis 4 mois, qui a débuté par une simple ulcération, et dont l´évolution était rapide, marquée par l´apparition d´une lésion bourgeonnante.

Résultats cliniques: l´examen clinique montre la présence d´une masse ulcéro-bourgeonnante de 6 cm de grand axe, située à la base de la langue.

Démarche diagnostique: le patient a par la suite bénéficié d´une biopsie de la masse. Sur le plan macroscopique, on a reçu un fragment de 0,6cm de grand axe. Histologiquement, il s´agit d´une muqueuse malpighienne siège d´un processus malin indifférencié, constitué de grosses cellules dotées d´un noyau volumineux, centré par un nucléole, et présentant des atypies franches associées à un cytoplasme abondant vacuolaire. Ces cellules sont disposées en des nappes diffuses et en quelques travées épaisses, sans formation de kératine (Figure 1 et Figure 2). Une coloration d´acide périodique de Schiff (PAS) a été réalisée, revenue négative, ne montrant pas de dépôt de mucine au sein des cellules tumorales. L´immunohistochimie montre un marquage positif des cellules tumorales par la CK5/6 et la P63. Absence de marquage par l´EMA, la CK7, le Melan A et l´HMB45 (Figure 3 et Figure 4).

Intervention thérapeutique: le patient a subi une excision chirurgicale avec des marges adéquates, suivie d´une radiothérapie.

Suivi et résultats des interventions thérapeutiques: l´évolution à court terme était favorable.

Perspectives du patient: le patient était satisfait par rapport à la prise en charge reçu.

Consentement éclairé: le patient a donné son consentement éclairé à propos de la publication de ce travail.

 

 

Discussion Up    Down

Le carcinome épidermoïde dans sa variante à cellules claires, est une entité très rare, décrite pour la première fois par Kuo en 1980 comme une tumeur cutanée. La plupart des cas ont été rapportés dans la région de la tête et du cou. Sa présence au niveau de la cavité buccale est exceptionnelle, et il s´agit généralement d´un néoplasme des glandes salivaires ou d´une tumeur métastatique [2]. L´aspect clair des cellules est généralement secondaire soit à la présence de glycogène, ou de mucine en intracytoplasmique, ou bien plus rarement à des défauts artéfactuels. La plupart des cas ont été observés chez des femmes âgées (6 CAS/10) [1], alors que notre cas a porté sur un homme d´âge moyen.

La présentation clinique semble être assez agressive car la lésion commence par un ulcère, qui évolue rapidement vers une grande masse exophytique, faisant plus de 10 cm, au bout de quelques mois d´évolution. L´étiologie demeure à nos jours méconnus. Néanmoins, certains facteurs ont été incriminés tels que le rayonnement ultra-violets (UV), l´immunosuppression chronique, la kératose actinique (lésion précurseur), l´albinisme, les cicatrices de brûlures, les ulcères chroniques et l´arsenic [3]. Les mutations impliquant des gènes (tels que TP53, CDKN2A, NOTCH1 et NOTCH2, EGFR et TERT) et des voies moléculaires (RAS/RAF/MEK/ERK et PI3K/AKT/mTOR) jouent un rôle important dans la pathogenèse [3]. Histologiquement, la prolifération se présente avec une architecture diffuse, plus rarement des travées ou des cordons. Les cellules tumorales sont volumineuses, dotées de noyau augmenté de taille, à chromatine fine, nucléolé par endroit, avec un cytoplasme abondant clair [3]. La présence de cellules claires nécessite la réalisation de colorations spéciales, notamment l´acide periodic de schiff (PAS), afin de déterminer la nature (glycogène, mucine, artéfact) [3]. Une étude immunohistochimique peut également s´avérer nécessaire au diagnostic, puisqu´elle va permettre d´éliminer les diagnostics différentiels (mélanome comme exemple), et de confirmer la nature malpighienne des cellules tumorales par la P63 et la CK5/6. Les principaux diagnostics différentiels sont décrits sur les tableaux ci-dessous (Tableau 1 et Tableau 2) [3,4].

Les modalités de traitement restent encore très peu connues, du fait de la rareté de cette entité d´une part, et de l´absence de suivi des patients comme ça été le cas pour 7 malades sur les 11 décrits dans la littérature. Certains auteurs préconisent un traitement chirurgical par ablation de la masse, suivi d´une radiothérapie. Cependant, aucune étude n´a démontré de réel consensus à nos jours. D´après les données recueillies pour les 11 patients, la variante à cellules claires du carcinome épidermoïde serait plus agressive et aurait un pronostic plus sombre que la variante classique [1-5]. Des études moléculaires sont nécessaires pour comprendre les paramètres biologiques, cliniques histopathologiques de ces cas.

 

 

Conclusion Up    Down

Le carcinome épidermoïde dans sa variante à cellules claires est une entité excessivement rare, avec très peu de cas décrits dans la littérature. L´évolution sur le plan clinique est rapide, avec apparition en quelques mois d´une masse exophytique. Le diagnostic est histologique et immunohistochimique. Le pronostic reste médiocre. Toutefois, d´autres études sont souhaitables afin de mieux détailler les moyens thérapeutiques adéquats.

 

 

Conflits d´intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Collecte de données: Tiabi El Mehdi et Nassira Karich. Rédaction de l´article: Tiabi El Mehdi et Achraf Miry. Révision de l´article: Amal Bennani. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Tableaux et figures Up    Down

Tableau 1: principaux diagnostics différentiels du carcinome épidermoïde à cellules claires [3,4]

Tableau 2: cas de carcinome épidermoïde à cellules claires de localisation buccale dans la littérature

Figure 1: microphotographie montrant un processus carcinomateux infiltrant le derme (hématoxyline et éosine 100X)

Figure 2: microphotographie avec plus fort grossissement montrant que la prolifération est constituée de grandes cellules, dotées d'un noyau volumineux, centré par un nucléole, et présentant des atypies franches, associées à un cytoplasme abondant vacuolaire (hématoxyline et éosine; 400X)

Figure 3: microphotographie montrant une expression cytoplasmique de la cytokératine 5/6 par les cellules tumorales

Figure 4: microphotographie montrant une expression nucléaire de la p63 par les cellules tumorales

 

 

Références Up    Down

  1. Mukkanwar RN, Palaskar S, Pawar R, Shah DR. Clear cell variant of oral squamous cell carcinoma: case report and review. Autopsy and Case Reports. 2022 Jul 18;12:e2021388. PubMed | Google Scholar

  2. Kuo TT. Clear cell carcinoma of the skin - A variant of the squamous cell carcinoma that simulates sebaceous carcinoma. The American journal of surgical pathology. 1980; 4(6):573-583. PubMed | Google Scholar

  3. Di Nardo L, Pellegrini C, Di Stefani A, Del Regno L, Sollena P, Piccerillo A et al. Molecular genetics of cutaneous squamous cell carcinoma: perspective for treatment strategies. Journal of the European Academy of Dermatology and Venereology. 2020; 34(5): 932-941. PubMed | Google Scholar

  4. Lawal AO, Adisa AO, Olajide MA, Olusanya AA. Clear cell variant of squamous cell carcinoma of skin: A report of a case. Journal of Oral and Maxillofacial Pathology: JOMFP. 2013; 17(1):110. PubMed | Google Scholar

  5. Kaliamoorthy S, Sethuraman V, Ramalingam SM, Arunkumar S. A rare case of clear cell variant of oral squamous cell carcinoma. Journal of Natural Science, Biology, and Medicine. 2015; 6(1): 245. PubMed | Google Scholar