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Case report

Recrudescence de la fièvre jaune au Tchad: à propos du dernier cas confirmé dans le district sanitaire de Lai-Tchad

Recrudescence de la fièvre jaune au Tchad: à propos du dernier cas confirmé dans le district sanitaire de Lai-Tchad

Recrudescence of yellow fever in Chad: case report of the last confirmed case in the health district of Lai-Chad

Oumaima Mahamat Djarma1,2,&, Djoissenanbaye Elisee3, Mahamat Ali Bolti4, Djiddi Ali Sougoudi2, A Blondin Diop5, Fatime Ahmat Haggar2, Abdelsadick Hidjab2, Adawaye Chatté2, Joseph Mad-Toingue6, Henri Fissou7, Mekonyo Kolmian3, Ali Mahamat Moussa6

 

1Ministère de la Santé Publique et de la Solidarité Nationale, N´Djamena, Tchad, 2Hôpital Provincial de Farcha, N´Djamena, Tchad, 3Délégation Sanitaire de Lai-Tchad, Lai, Tchad, 4CHU de la Renaissance, N´Djamena, Tchad, 5Maison Médical de Dakar, Dakar, Sénégal, 6CHU de la Référence, N´Djamena, Tchad, 7Laboratoire Mobile de N´Djamena, N´Djamena, Tchad

 

 

&Auteur correspondant
Oumaima Mahamat Djarma, Ministère de la Santé Publique et de la Solidarité Nationale, N´Djamena, Tchad

 

 

Résumé

La fièvre jaune (FJ) est une fièvre hémorragique virale, causée par le virus de la fièvre jaune, transmise par les moustiques du genre Aedes. Au Tchad depuis 2013, 04 cas de fièvre jaune ont été identifiés et confirmés dans le cadre du programme national de surveillance de la fièvre. Nous rapportons ici l'observation clinique du dernier cas confirmé dans le district sanitaire de Lai. Il s'agit d'un homme de 57 ans sans antécédents médicaux et chirurgicaux significatifs et un statut vaccinal inconnu. Il a consulté le 21 avril 2020 pour fièvre, ictère d'épistaxis d'abondance modérée à faible et hépatomégalie douloureuse. Dont les explorations para-cliniques ont permis de mettre en évidence le virus de la fièvre jaune en post mortem par RT-PCR. Ainsi la confirmation de la fièvre jaune dans ce district, le faible niveau de couverture vaccinale, la réalité de la circulation du virus et la présence du vecteur dans le pays devraient avertir d'une réelle menace de ré-émergence de la fièvre jaune au Tchad.


Yellow fever (YF) is a viral haemorrhagic fever caused by yellow fever virus transmitted by Aedes mosquitoes. Since 2013, in Chad, four cases of yellow fever have been detected and confirmed as part of the national fever surveillance program. We here report the last clinical case confirmed in the health district of Lai. The patient was a 57-year-old man with no significant medical and surgical history and unknown immunisation status. He consulted on April 21st, 2020 for fever, moderate to low abundance jaundice and epistaxis (nosebleed) and painful hepatomegaly. Paraclinical examinations, such as RT-PCR, objectified yellow fever virus in post-mortem tissue sample. Thus, confirmed yellow fever cases in this district, the low level of vaccination coverage, the circulation of the virus and the presence of vector in the country should warn of a real threat of reemergence of yellow fever in Chad.

Key words: Yellow fever, recrudescence, Chad, case report

 

 

Introduction    Down

La fièvre jaune (FJ) est une fièvre hémorragique virale, due au virus amaril, transmise par des moustiques du genre Aedes [1]. Elle se présente sous des formes variées, de la simple fièvre, à l'ictère associé à des hémorragies diffuses avec une mortalité des cas graves allant de 20 à 50% [2]. Plus de 900 millions de personnes sont concernées dans 45 pays, dont 32 en Afrique et 13 en Amérique. On estime chaque année à 200 000 le nombre de cas et à 30 000 le nombre de décès dus à la fièvre jaune [3]. En Afrique, la FJ est endémique en zones de forêt en raison d´un cycle enzootique sauvage [4]. Au Tchad, en 2013 deux cas de fièvre jaune ont été identifiés et confirmés dans le cadre du programme national de surveillance de la fièvre jaune lors d´une flambée de la maladie dans la région frontalière du Darfour (Soudan). Par ailleurs, 139 cas suspectés et 9 décès ont été signalés grâce à cette surveillance renforcée [5]. Depuis lors le pays a enregistré 4 cas confirmés dont un cette année. Nous vous rapportons ici l´observation clinique du dernier cas confirmé dans le district sanitaire de Lai.

 

 

Patient et observation Up    Down

Il s´agit de Mr K.M, âgé de 57 ans, il consulte le 21 avril 2020 fièvre, jaunisse épistaxis de moyenne à faible abondance survenue les 14 et 17 avril 2020 et une hépatomégalie douloureuse. Il est sans antécédent médico-chirurgical notable et un statut vaccinal inconnu. Dans le mois avant le début de sa maladie, il n´aurait selon la famille effectué aucun déplacement en dehors de la ville de Lai. Son dernier voyage en date remonte à novembre 2019.

L´examen clinique réalisé lors de son hospitalisation à l´hôpital de Bebaloum a mis en évidence un ictère conjonctival, une hépatomégalie douloureuse flèche hépatique à 22 cm. Devant ces signes, une notification d´ictère fébrile est faite au système et le prélèvement fait ce jour même qui a mis en évidence en post mortem par RT-PCR le virus amaril; la recherche des trophozoïtes, des hépatites notamment le B and C sont aussi négatif. La recherche des autres arboviroses n´était pas réalisée. La numération a mis en évidence une hyperleucocytose 27.103/mm³ à prédominance polynucléaire neutrophile 18.103/mm³. Les hémocultures n´ont pas été réalisées.

Durant son hospitalisation il avait bénéficié d´une prise en charge médicale à base d´amoxicilline 3g/24h, Métronidazole 1,5g/24h et une Réhydratation 3l/24h. La recherche active des cas d´ictère fébrile dans la communauté a été faite au cours de l´enquête de couverture vaccinale et a consisté à rechercher dans les ménages visités les sujets présentant une fièvre avec un ictère et/ou accompagnement de saignement. Elle a permis de détecter et prélever cinq cas suspects. L´évolution clinique était marquée par la persistance des saignements et une trouble de la conscience score Q SOFA à 3. C´est dans ce contexte que le décès survient après 5 jours d´hospitalisation.

 

 

Discussion Up    Down

Dans notre cas clinique, la mise en évidence du virus amaril constitue une première dans ce district. Cependant, nous avons eu des limites notamment la recherche des autres arboviroses, et l´investigation entomologique. Situé au cœur de la province de la Tandjilé dans le sud du pays, le district de Lai occupe la partie centrale. Le réseau des pistes est relativement dense mais peu praticables en saison pluvieuse. Ceci rend une bonne partie inaccessible pendant au moins 5 mois chaque année. La population est estimée en 2020 à 20,428 habitants [6]. Ce cas mortel de fièvre jaune était le premier cas notifié dans la province où la couverture vaccinale antiamarile dans la population générale est inférieure à la cible fixée de 80% [7, 8].

En outre, elles sont en constante baisse aussi bien à l´échelle du district que dans les deux centres de santé de la ville de Lai. Cette situation ne permet pas d´assurer une immunité suffisante capable d´interrompre la transmission de la fièvre jaune au sein de la communauté. Aussi convient-il de signaler que la vaccination de routine est faite en stratégie porte à porte. Cette stratégie n´est pas adaptée à la vaccination de routine et n´offre pas de chance de vacciner des enfants avec les vaccins lyophilisés comme le vaccin antiamarile. La FJ est endémique dans certaines régions du monde 34 pays d´Afrique (Tanzanie, Zambie, Cote d´Ivoire, Sénégal, Cameroun, Gabon ...) et 13 en Amérique latine [8]. C´est une pathologie ré-émergente [9].

Des enquêtes entomologiques réalise dans certaines provinces du pays ont permis de mette en évidence la présence du vecteur Aedes [10]. Chez notre patient, tout porte à croire qu´il a eu un cycle de transmission urbain de la FJ. Ce cycle implique une transmission par des moustiques diurnes qui piquent préférentiellement l'homme (moustiques « domestiques »), comme Aedes aegypti en Afrique, ainsi que les Hæmagogus et Sabethes en Amérique du Sud. Aedes aegypti se développe dans les récipients et tout objet pouvant retenir de l'eau stagnante.

La fièvre jaune dépend alors de plusieurs variables: la densité humaine (urbanisation croissante), les déplacements humains (personnes non immunisées, moyens de transport emportant des moustiques), les zones péri-urbaines dégradées (favorisant le lien entre zones sylvatique et urbaine), le relâchement des précautions d'hygiène et de vaccination, le réchauffement climatique et les pluies excessives. Il s'agit d'autant de facteurs qui peuvent augmenter la transmission de la fièvre jaune [4].

 

 

Conclusion Up    Down

Ce cas confirmé de fièvre jaune n´est pas un cas isolé au Tchad. D´autre cas ont été notifié depuis 2013. Ainsi la confirmation de la fièvre jaune dans ce district, le faible niveau de la couverture vaccinale, la réalité de la circulation du virus et la présence du vecteur dans le pays devraient alerter d´une réelle menace de ré-émergence de la fièvre jaune au Tchad. Les recommandations immédiates ont été axées sur une vaccination de masse des populations de la province et un renforcement du système de surveillance épidémiologique active sur tout le territoire.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs cités ont contribué sur la notification investigations, la prise en charge du cas et la relecture du manuscrit. Ils ont contribué à la conduite de ce travail et déclarent également avoir lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Remerciements Up    Down

A l´équipe de l´OMS, Dr Sorgho E et Dabi Esther pour le soutien technique. Aux points focaux: Nededjimbaye Marcel Blam Sitikreo Garandji Ndoubahidi Dorom Balamsia Sountou Keuziackae Ladibo pour leur collaboration.

 

 

Références Up    Down

  1. Staples JE, Monath TP. Yellow fever: 100 years of discovery. JAMA. 2008 Aug 27;300(8):960-2. PubMed | Google Scholar

  2. Lavier G, Stefanopoulo GJ. « Fièvre jaune, étude clinique ». Encyclopédie médico-chirurgicale, Maladies infectieuses. 1946;n°8099:p1-16.

  3. Monath TP, Cetron MS. Yellow fever vaccine, Philadelphie, Saunders Elsevier. 2008; op. cit, p986-987.

  4. OMS. Alerte et action au niveau mondial (GAR). Consulté le 2 Novembre 2020.

  5. Wikipédia. Ville de Lai. Consulté le 20 Novembre 2020.

  6. Jentes ES, Poumerol G, Gershman MD, Lemarchand J, Lewis RF, Staples JE et al. The revised global yellow fever risk map and recommendations for vaccination, 2010: consensus of the informal WHO Working Group on Geographic Risk for YF. Lancet Infect Dis. 2011 Aug;11(8):622-32. PubMed | Google Scholar

  7. Leroy J-P. « Vaccin contre la fièvre jaune: une protection à vie? ». La Revue du Praticien. 2015 Oct;65(8):1015-7. PubMed | Google Scholar

  8. Organisation mondiale de la Santé. International, Coordinating Group (ICG) on Vaccine Provision [Groupe international de coordination (GIC) sur la fourniture de vaccin]. Genève: Organisation mondiale de la Santé; 2019. Consulté le 20 Novembre 2020.

  9. Garske T, Van Kerkhove MD, Yactayo S, Ronveaux O, Lewis RF, Staples JE et al. Yellow Fever Expert Committee, Yellow Fever in Africa: Estimating the burden of disease and impact of mass vaccination from outbreak and serological data. PLOS Med. 2014;11: e1001638. PubMed | Google Scholar

  10. Organisation Mondiale de la Santé. Préparation et riposte aux situations d'urgence. Consulté le 2 Novembre 2020.