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Cancer primitif du vagin et grossesse: à propos d’un cas

Cancer primitif du vagin et grossesse: à propos d’un cas

Primitive cancer of the vagina: a report of a case

Lamiae Boutkhil1,&, Sarah Amourak1, Sofia Jayi1, Fatimazahra Fdili Alaoui1, Hakima Bouguern1, Hikmat Chaara1, Moulay Abdelilah Melhouf1

 

1Service de Gynécologie-Obstétrique II, CHU Hassan II de FES, Université Sidi Mohammed Benabdellah, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Lamiae Boutkhil, Service de Gynécologie-Obstétrique II, CHU Hassan II de FES, Université Sidi Mohammed Benabdellah, Maroc

 

 

Résumé

Les cancers primitifs du vagin représentent 1 à 2% des tumeurs malignes gynécologiques, ils touchent surtout la femme ménopausée, donc l'association avec la grossesse est vraiment exceptionnelle. Dans la majorité des cas, il s'agit de cancers épidermoïdes. Les autres types histologiques sont plus rares. Le principal facteur de risque est une infection persistante à papillomavirus humain à l'origine des lésions de VAIN qui peuvent évoluer vers une forme invasive (5%). Le diagnostic clinique, souvent évident, doit être complété par une colposcopie, qui précisera la topographie exacte des lésions invasives mais aussi préinvasives éventuelles, et par un bilan d'extension clinique et paraclinique permettant le staging de la tumeur. Le traitement dépend du stade de la lésion, de l'âge de la patiente et du type histologique. Si le diagnostic est posé au cours du 3ème trimestre, dès la maturité fœtale une extraction s'impose. Au cours du 2ème trimestre, la décision est difficile, et va être discuté au cas par cas. Par contre au cours du 1er trimestre une interruption thérapeutique de grossesse peut être proposée. La radiothérapie est la pierre angulaire du traitement qui apporte l'assurance d'être la plus conservatrice avec le minimum de séquelle. Les indications de la chirurgie sont plus rares. Le pronostic de ces cancers primitifs du vagin dépend du stade FIGO, de l'étendue de la lésion, et de l'âge jeune. A travers notre cas colligé au sein de notre service et une revue de la littérature, nous soulignons les caractéristiques diagnostiques thérapeutiques et pronostiques de cette entité.


English abstract

Primary vaginal cancer represents 1-2% of gynecologic malignancies, which mainly affect menopausal women. So, its association with pregnancy is really exceptional. In the majority of cases it is an epidermoid carcinoma. Other histologic types are rarer. Its main risk factor is persistent infection with human papillomavirus which causes VAIN lesions that may progress to invasive forms (5%). Clinical diagnosis, often obvious, must be complemented by a colposcopy, which determines the exact topography of invasive lesions as well as of potential preinvasive lesions and, by the assessment of clinical and paraclinical extension allowing cancer staging. The type of treatment depends on lesion stage, patient age and histological type. If the diagnosis is made in the third trimester, after documentation of fetal maturity, extraction is required. Decisions in the second trimester are difficult and must be discussed on a case-by-case basis. On the other hand, in the first trimester therapeutic abortion is recommended. Radiotherapy is the corner stone in cancer treatment. It is the most conservative treatment with minimal sequelae. Surgical indications are rarer. Prognosis of primary vaginal cancer depends on FIGO staging, lesion extention and early age. Through data collected in our department and a review of the literature we highlight the therapeutic, prognostic and diagnostic features of this entity.

Key words: Primary vaginal cancer, pregnancy, human papilloma virus, therapeutic abortion, radiotherapy, prognosis

 

 

Introduction    Down

Le cancer du vagin est un cancer rare. Son association avec la grossesse est encore plus rare puisqu'il atteint moins de 10% des femmes ayant moins de 40 ans. Cette association rend la décision d'initier ou de différer le traitement délicate. A travers notre cas colligé au sein de notre service et une revue de la littérature, nous soulignons les caractéristiques diagnostiques thérapeutiques et pronostiques de cette entité.

 

 

Patient et observation Up    Down

Mme EF âgée de 30 ans, quatrième geste, troisième part, mariée à l'âge de 15 ans, ayant un partenaire détenu. Sans antécédents gynéco obstétricaux particuliers, enceinte se dit à 18 semaines d'aménorrhées (SA) consulte pour des métrorragies évoluant depuis un mois, l'examen clinique objective un col macroscopiquement normal de taille normale souple (Figure 1) avec une masse de 2 à 3 cm au niveau de la paroi vaginale latérale droite sans envahissement des culs de sac vaginaux ni de l'urètre ni du col (Figure 2), le reste de l'examen somatique étant sans anomalie. La biopsie est en faveur d'un carcinome épidermoïde bien différencié kératinisant à caractère infiltrant. La décision de la RCP était de faire une interruption thérapeutique de grossesse et de compléter par une La tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelienne. La patiente a été perdue de vue après son refus total de l'interruption de grossesse, puis s'est présentée a la salle d'accouchement enceinte à terme en travail. L'examen clinique objective des métrorragies de faible abondance, une tuméfaction arrivant au tiers inferieur des parois latérales et antérieures du vagin avec envahissement des culs de sac vaginaux, un utérus étalé longitudinalement, des bruits cardiaques fœtaux positifs a 148 battements par minute. L'échographie obstétricale objective une grossesse monofœtale évolutive, en présentation céphalique, un placenta d'insertion fundique. Le liquide amniotique en quantité normale. Une césarienne a été réalisée, avec extraction d'un nouveau né de sexe féminin, d'apgar 10/10, poids de naissance 3100g. Les suites post opératoires sont simples. La tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelienne objective un processus au niveau du col faisant 90/80/105mm présentant un envahissement paramétrial distal bilatéral avec légère urétérohydronéphrose bilatérale. Le processus adhère au recto sigmoïde qui est très probablement envahit (Figure 3). La patiente a été adressée au service de radiothérapie.

 

 

Discussion Up    Down

Le cancer primitif du vagin est rare, il représente 1 à 2% des cancers de l'appareil génital féminin. Il atteint moins de 1000 patientes par an en France avec un tiers de décès [1]. Le carcinome épidermoïde est le type histologique le plus fréquent, il correspond à 80% des cancers primitifs du vagin [2], alors que l'adénocarcinome, souvent développé à partir de l'épithélium glandulaire de la glande de Bartholin, ne représente que 5% [3]. Les autres types histologiques sont plus rares notamment: le mélanome, le sarcome, le léiomyosarcome et les métastases [1]. Seulement moins de 20 % des femmes atteintes sont âgées de moins de 40 ans [3], ce qui explique le fait que son association avec la grossesse est très rare. Notre revue de littérature n'a révélé que dix cas.

 

États précancéreux du vagin

 

La Néoplasie intra-épithéliale vaginale (VAIN) constitue l'état précancéreux du vagin le plus courant. Elle est souvent accompagnée d'une néoplasie intra-épithéliale cervicale (CIN) et on croit que leur cause est semblable. On observe plus fréquemment la VAIN dans la partie supérieure du vagin et elle est souvent multifocale [4]. De nombreuses années peuvent être nécessaires (environ 5 à 10 ans) pour qu'un état précancéreux se transforme en cancer invasif du vagin, mais cela se produit parfois en moins de temps. Sur le modèle du col utérin et selon la classification de Bethesda, les néoplasies intra épithéliales vaginales sont classés néoplasies: de bas grade, ou VAIN 1, ou dysplasies légères; de haut grade, ou VAIN 2 ou 3, anciennes dysplasies moyennes ou sévères (ou carcinomes in situ) [5].

 

Facteurs de risques:

 

Sont reconnus comme des facteurs oncogènes, les HPV [6, 7] un antécédent d'hystérectomie, de radiothérapie pelvienne [8], l'existence d'un prolapsus vaginal extériorisé ou le port prolongé d'un pessaire [9]. L'exposition in utéro au diéthylstilboestrol (DES) [10, 11] augmente notamment le risque d'adénocarcinome à cellules claires dont l'incidence est estimée à 1% après 40 ans [6, 12], ainsi que les néoplasies du vagin et du col [13, 14] .

 

Diagnostic:

 

Ce cancer est souvent révélé par la survenue de métrorragies, la patiente peut aussi consulter pour des dyspareunies ou pour une symptomatologie de fistule vésicovaginale ou rectovaginale, témoignant d'une lésion évoluée. La lésion peut aussi être mise en évidence sur un frottis cervicovaginal réalisé de manière systématique alors que le col est normal. A l'examen clinique ces tumeurs ont un aspect le plus souvent exophytique saignant au contact, parfois surinfecté [15]. C'est la biopsie qui permet le diagnostic positif avec certitude.

 

Extension du cancer du vagin

 

L'évolution tumorale est essentiellement locorégionale avec un risque métastatique modéré, ce qui explique l'importance des thérapeutiques à visée locorégionale comme la chirurgie et la radiothérapie [16].

 

Stadifications FIGO et TNM:

 

Il s'agit d'une classification clinique des carcinomes infiltrants du vagin [17]. Une tumeur étendue à l'exocol et ayant atteint l'orifice externe doit être classée comme un carcinome du col utérin. Une tumeur intéressant la vulve est classée comme un carcinome vulvaire (Tableau 1 et Tableau 2).

 

Traitement et prise en charge:

 

Si le diagnostic est posé au cours du 3ème trimestre, dès la maturité fœtale une extraction s'impose. Au cours du 2ème trimestre, la décision est difficile, et va être discuté au cas par cas. Par contre au cours du 1er trimestre une interruption thérapeutique de grossesse peut être proposée. Si c'est la moitié inférieure du vagin qui est atteinte, la prise en charge sera identique à celle d'une tumeur vulvaire, par contre si c'est la moitié supérieure du vagin qui est atteinte, le néo du vagin sera traité comme un néo du col de l'utérus [18]. Le traitement des cancers du vagin associe chirurgie et radiothérapie Cependant, la proximité anatomique d'organes critiques tels que la vessie et le rectum rend l'exérèse chirurgicale difficile. L'association d'une radiothérapie externe avec une curiethérapie vaginale est la stratégie thérapeutique la plus souvent utilisée [17, 19, 20].

 

Pronostic :

 

Les paramètres ayant un impact sur le taux de survie des patientes sont l'âge, l'étendue de la lésion et le stade FIGO [3, 17, 21]. Les tumeurs du tiers supérieurs seraient de meilleurs pronostics en comparaison aux tumeurs de la paroi vaginale postérieure. Le rôle du type histologique a été rapporté par de nombreux auteurs. Les adénocarcinomes sont reliés à un moins bon pronostic en comparaison aux carcinomes épidermoïdes [21].

 

 

Conclusion Up    Down

Le cancer du vagin est un cancer rare, qui concerne essentiellement la femme âgée. Et donc l'association avec la grossesse est vraiment exceptionnelle, cette association rend la décision d'initier ou de différer le traitement délicate.

 

 

Conflits d’intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'interêt.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont contribué à la prise en charge des patientes. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Tableaux et figures Up    Down

Tableau 1: classification TNM des tumeurs du vagin

Tableau 2: correspondance des starifications FIGO et TNM

Figure 1: col macroscopiquement normal

Figure 2: tuméfaction au niveau de la paroi vaginale latérale droite

Figure 3: images scanographiques objectivant la masse

 

 

Références Up    Down

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