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Original article

Pentastomiase humaine: à propos d’un cas découvert à l’hôpital central de Yaoundé, Cameroun

Pentastomiase humaine: à propos d’un cas découvert à l’hôpital central de Yaoundé, Cameroun

 

Dominique Noah Noah1,&, Firmin Akouane Andoulo2, Servais Albert Fiacre Eloumou3, Simon Pierre Soné1, Marie Thérèse Fonkoua4, Françoise Ngo Sack1, Christian Tzeuton5, Magloire Biwole Sida6

 

1Hôpital Central de Yaoundé, Faculté de médecine et des sciences pharmaceutiques de l’Université de Douala ; Cameroun, 2Centre Hospitalier Universitaire de Yaoundé, Faculté de médecine et des sciences biomédicales de l’Université de Yaoundé 1 ; Cameroun, 3Hôpital Général de Douala, Faculté de médecine et des sciences pharmaceutiques de l’Université de Douala ; Cameroun, 4Centre Pasteur du Cameroun, Yaoundé, Cameroun, 5Centre Médical les Capucines, Faculté de médecine et des sciences pharmaceutiques de l’Université de Douala ; Cameroun, 6Faculté de médecine et des sciences biomédicales de l’Université de Yaoundé 1 ; Cameroun

 

 

&Auteur correspondant
Dominique Noah Noah, Hôpital Central de Yaoundé, Faculté de médecine et des sciences pharmaceutiques de l’Université de Douala ; Cameroun

 

 

Résumé

La pentatosmiase est une parasitose inhabituelle chez l’homme causée par des larves des différentes espèces de pentastome. C’est un parasite de la famille des pentastomides ayant des caractéristiques à la fois des arthropodes et des annélides. Nous rapportons ici un cas de pentatostome au Cameroun causé par Armillifer armillatus. Il s’agissait d’un homme de 33 ans, instituteur, célibataire, originaire de la region du Centre Cameroun qui correspond à la zone géographique du grand sud du Cameroun mais qui vivait depuis plus de 10 ans dans un petit village de l’Adamaoua (zone géographique du grand nord). Ce patient a présenté une pentastomiase dont le diagnostic a été fortuit à l’issue d’une intervention chirugicale. La pentastomiase humaine, maladie inhabituelle est paradoxalement rare au Cameroun alors que plusieurs cas sont décrits en Afrique Centrale et de l’Ouest. La réalisation des autopsies de manière systématique pourrait permettre les progrès de la science non seulement en ce qui concerne cette affection, mais aussi pour la médecine en général.

 

 

Introduction

La pentatosmiase est une parasitose inhabituelle chez l’homme causé par des larves des différentes espèces de pentastome. C’est un parasite de la famille des pentastomides ayant des caractéristiques à la fois des arthropodes et des annélides. Les pentastomes adultes parasitent les voies respiratoires des reptiles ou mammifères carnivores [1]. Cette zoonose parasitaire ibiquitaire est en augmentation en Afrique occidentale et centrale La plupart des cas sont signalés dans la région du Congo et au Nigeria, et parfois des infections chez les immigrants africains en Europe et en Amérique du Nord ont été rapportées [2-5]. La plupart des infections humaines de ces parasites sont causés par Armillifer armillatus [6]. Armillifer. grandis, qui est un parasite d´Afrique centrale, a été rarement trouvé [5], mais Armillifer moniliformis, une espèce de pentastome d´Asie, a récemment refait surface et a provoqué une infection chez un homme de 40 ans en Malaisie [4]. Nous rapportons ici un cas d’infection par un pentatostome au Cameroun causé par Armillifer armillatus

 

 

Patient et observation

Il s’agissait d’un patient de sexe masculin âgé de 33 ans, instituteur, célibataire, originaire de la région du Centre Cameroun qui correspond à la zone géographique du grand sud Cameroun mais qui a vécu pendant plus de 10 ans dans un petit village de l’Adamaoua (zone géographique du grand nord Cameroun).

 

Le patient était venu consulter en septembre 2012 pour la prise en charge d’une altération de l’état général avec amaigrissement, asthénie, distension abdominale et ictère modéré. Les antécédents de ce patient étaient marqués par une consommation alcoolique estimée en moyenne à 10 grammes par jour depuis 10 ans Il n’y avait pas de notion de consommation de serpent ni de reptile. A l’examen physique, l’état général était peu conservé, on notait un ictère modéré, des cernes oculaires, une déshydratation modéré, une distension abdominale avec matité déclive. Il n’y avait pas des œdèmes des membres inférieurs.

 

Le bilan réalisé avait mis en évidence une anémie sévère (Hb : 7g/dl) microcytraire (VGM : 78µ3), une thrombocytose à 717 000 plaquettes/mm3 La fonction rénale était normale, l’ionogramme mettait en évidence une hyponatrémie à 128 mEq/l. On notait un syndrome inflammatoire modéré (VS à 64 mm à la première heure) Les transaminases étaient normales.

 

L’examen échographique a mis en évidence un foie homogène, un pancréas normal, une ascite abondante L’analyse du liquide d’ascite a objectivé un exsudat avec des protéines à 46g/l, le glucose était à 0,8g/l. Une coloscopie et une fibroscopie sous anesthésie générale à la recherche d’un processus pouvant expliquer l’anémie férriprive ainsi que l’altération de l’état général étaient normales. Le patient s’était amélioré après un traitement ayant consisté au drainage de l’ascite à plusieurs reprises, une transfusion sanguine (2culots globulaires), une alimentation hyper protéinique complétée des orexigènes.

 

Au mois de mars 2013 le patient est revenu avec le même tableau décrit plus haut et cette fois, on notait une sensibilité diffuse à la palpation abdominale avec une petite défense au niveau de l’hypochondre droit. Une échographie réalisée cette fois a conclut à des multiples collections abcédées des espaces pro péritonéal et rétro péritonéal, miliaire hépatique septique probable avec stéatose, ascite de grande abondance. Cette fois, en plus du drainage de l’ascite le patient a bénéficié d’une antibiothérapie probabiliste, car n’ayant pu effectuer tous les examens prescrits. L’amélioration clinique a été constatée après 3 semaines suivie de la sortie du patient.

 

Au bout de 2 mois,(mai 2013) le patient est revenu avec un abdomen à nouveau distendu avec à l’examen une défense abdominale diffuse, un subictère et une température à 38,3oC Le toucher rectal avait permit de mettre en évidence une irritation péritonéale. Un ASP réalisé en urgence a permit de demander un avis chirurgical qui a posé l’indication opératoire. La laparotomie exploratrice a permit de mettre en évidence cette parasitose (Figure 1, Figure 2, Figure 3).

 

Le traitement chirurgical a permit d’extraire plus de 100 larves de pentastomes analysées par la suite au laboratoire du Centre Pasteur du Cameroun. L’évolution a été excellente, le patient a repris ses activités au mois de septembre 2013.

 

 

Discussion

Les adultes de Armillifer spp. habitent les voies respiratoires de grands serpents (Python spp.). Ces parasites produisent de grandes quantités d´ovules qui sont excrétés dans l´environnement par les excréments de serpents et leurs sécrétions. Lorsque les hôtes intermédiaires, tels que les rongeurs ou d´autres petits mammifères, ingèrent les ovules, les larves éclosent et migrent vers les viscères, s´enkystent, et muent à plusieurs reprises [5]. L’homme s’infeste alors soit par ingestion des serpents ou autres rongeur ou mammifère infesté, soit par contamination directe après ingestion de l’eau ou autre aliment contaminé par les œufs de pentastome.

 

Dans notre cas, il s’agit d’un homme de 33 ans n’ayant jamais consommé de serpent, mais qui vivait dans un environnement où il ya beaucoup de serpent. En effet, la zone du grand nord du Cameroun est reconnue comme abritant des nombreux serpents de différentes espèces dont les plus connues sont les vipères, les boas, les pythons. Quand on sait que dans cette zone, pendant la saison des pluies, il se constitue des marres d’eau dans lesquelles se baignent en même temps les animaux et les humains, on comprend pourquoi notre patient sans être un consommateur de serpent a pu quand même être infecté. Ceci explique aussi l’endémicité dans cette région des maladies comme la schistosomiase.

 

D’autre part, le diagnostic n’a pu être posé qu’à l’issue de l’intervention chirurgicale. Cette attitude est tout à fait conforme à la revue de la littérature qui admet que le diagnostic est souvent fortuit lors des interventions chirurgicales, ou lors des autopsies.

 

Le diagnostic de certitude est histologique au laboratoire d’anatomopathologie ou par PCR. Dans notre cas nous avons effectué un diagnostic morphologique au laboratoire de parasitologie par des spécialistes du Centre Pasteur du Cameroun (CPC).

 

Ce cas publié au Cameroun serait peut être l’arbre qui cache la forêt car en fait, au Cameroun, des autopsies ne sont pas réalisées de manière systématique pour permettre le progrès de la science. La plupart des autopsies réalisées le sont dans le cadre d’une procédure judiciaire. Une série a montré qu’au Nigéria, un taux de 33% de présence de pentastomiase a été observé au cours des autopsies de patients décédés de tumeurs malignes [8].

 

 

Conclusion

La pentastomiase humaine, maladie inhabituelle est paradoxalement rare au Cameroun alors qu’elle est un problème de santé publique dans les pays comme le Nigéria. La réalisation des autopsies de manière systématique pourrait permettre les progrès de la science non seulement en ce qui concerne cette affection, mais aussi pour la médecine en général.

 

 

Conflits d’intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.

 

 

Contributions des auteurs

Dominique Noah Noah : suivi clinique du patient ;Firmin Ankouane Andoulo : rédaction de l’article ; Servais Albert Fiacre Eloumou Bagnaka : revue de la littérature ; Simon Pierre Soné : chirurgien ayant opéré le patient ; Marie Thérèse Fonkoua : responsable laboratoire parasitologie CPC ; Fançoise Ngo Sack : suivi du patient, responsable du service hématologie HCY ; Christian Tzeuton : relecture ; Magloire Biwole Sida : supervision générale. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures

Figure 1: une vue des larves pendant l’opération

Figure 2: ce sont des larves de pentastome

Figure 3: une vue agrandie des larves

 

 

Références

  1. Tappe D, Meyer M, Oesterlein A, Jaye A, Frosch M, Schoen C, et al. Transmission of Armillifer armillatus ova at snake farm, The Gambia, West Africa. Emerg Infect Dis. 2011 Feb;17(2):251-4. PubMed | Google Scholar

  2. Lavarde V, Fornes P. Lethal infection due to Armillifer armillatus (Porocephalida): a snake-related parasitic disease. Clin Infect Dis. 1999 Nov;29(5):1346-7.. PubMed | Google Scholar

  3. Guardia SN, Sepp H, Scholten T, Morava-Protzner I. Pentastomiasis in Canada. Arch Pathol Lab Med. 1991 May;115(5):515-7.. PubMed | Google Scholar

  4. Latif B, Omar E, Heo CC, Othman N, Tappe D. Human pentastomiasis caused by Armillifer moniliformis in Malaysian Borneo. Am J Trop Med Hyg. 2011 Nov;85(5):878-81.. PubMed | Google Scholar

  5. Tappe D, Büttner DW. Diagnosis of human visceral pentastomiasis. PLoS Negl Trop Dis. 2009;3(2):e320. PubMed | Google Scholar

  6. Cagnard V, Nicolas-Randegger J, Dago Akribi A, et al.Generalized and lethal pentastomiasis due to Armillifer grandis (Hett, 1915).Bull Soc Pathol Exot Filiales. 1979 Jul-Aug;72(4):345-52.. PubMed | Google Scholar

  7. Prathap K, Lau KS, Bolton JM. Pentastomiasis: a common finding at autopsy among Malaysian aborigines. Am J Trop Med Hyg. 1969 Jan;18(1):20-. PubMed | Google Scholar

  8. Smith JA, Oladiran B, Lagundoye SB, et al: Pentastomiasis and malignancy. Ann Trop Med Parasit. 1975; 69:503-512. Google Scholar