Home | Volume 21 | Article number 188

Original article

Grande tache pigmentée pileuse révélant une forme familiale de la maladie de Von Recklinghausen

Grande tache pigmentée pileuse révélant une forme familiale de la maladie de Von Recklinghausen

 

Anass Es seddiki1,&, Sahar Messaoudi1, Dounia Jaafar2, Anass Ayyad1, Rim Amrani1

 

1Service de Pédiatrie, CHU Mohamed VI, Faculté de Médecine et de Pharmacie d’Oujda, Université Mohammed 1er, Oujda, Maroc, 2Service d’Ophtalmologie, CHU Mohamed VI, Faculté de Médecine et de Pharmacie d’Oujda, Université Mohammed 1er, Oujda, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Anass Es seddiki, Service de Pédiatrie, CHU Mohamed VI, Faculté de Médecine et de Pharmacie d’Oujda, Université Mohammed 1er, Oujda, Maroc

 

 

Résumé

La neurofibromatose de type 1 ou maladie de Von Recklinghausen appartient au groupe de maladies appelées phacomatoses. C'est une affection autosomique dominante relativement rare. La NF1 est caractérisée par une extrême variabilité clinique que l'on retrouve également au sein d'une même famille. Le tableau clinique de la NF1 associe, le plus souvent, de multiples taches café au lait, des lentigines axillaires ou inguinales, des neurofibromes cutanés et des nodules de Lisch. Les difficultés d'apprentissage sont fréquentes et peuvent être graves dans certaines formes cliniques. Il est important de détecter précocement les neurofibromes plexiformes, les gliomes intracérébraux, les tumeurs des gaines nerveuses, les anomalies vasculaires et les dysplasies osseuses. L'évolution est imprévisible ce qui rend le pronostic incertain par une éventuelle survenue de dégénérescence malignes. Nous rapportons ici l'observation d'une grande tache cutanée pigmentée pilleuse de découverte fortuite qui nous a révélé deux cas familiaux de NF1 d'expression différente.

 

 

Introduction

La maladie de Von Recklinghausen ou la neurofibromatose de type 1 (NF1) est une affection autosomique dominante, elle est caractérisée par une extrême variabilité clinique au sein d'une même famille [1,2]. Le tableau clinique de la NF1 associe, le plus souvent, de multiples taches café au lait, des lentigines axillaires et inguinales, des neurofibromes cutanés et des nodules de Lisch. Les difficultés d'apprentissage sont fréquentes, il est important de détecter précocement les neurofibromes plexiformes, les gliomes intracérébraux, les tumeurs des gaines nerveuses, les anomalies vasculaires et les dysplasies osseuses [1-3]. Nous rapportons ici l'observation de deux cas familiaux de neurofibromatose 1 (NF1) ou maladie de Von Recklinghausen découverts exceptionnellement et fortuitement par une grande tache pigmentée pileuse.

 

 

Patient et observation

Il s'agit d'une fille âgée de cinq ans, seconde d'une fratrie de 2, de parents consanguins de premier degré, qui consultait pour un simple épisode d'angine, au cours de l'examen clinique on note la présence d'une grande tache cutanée pigmentée pilleuse légèrement infiltrée du bras gauche d'allure congénitale (Figure 1) et quelques taches lentigineuses (lentigines) axillaires (Figure 2). L'examen ophtalmologique sous lampe ainsi qu'un fond d'oeil étaient normaux. Une TDM cérébrale était normale. La biopsie de la tache pileuse était en faveur d'un neurofibrome plexiforme. Un bilan standard comportant un hémogramme et ionogramme (fonction rénale, hépatique et thyroïdienne) était normal.

 

L'enquête auprès de la famille retrouve des difficultés d'apprentissage et des échecs scolaires chez le frère âgé de 10 ans, dont l'examen cutanéo-muqueux retrouve des taches cutanées café au lait (plus de 10) au niveau de l'abdomen, du dos, du cou et des deux bras (Figure 3) et quelques lentigines axillaires. A l'examen ophtalmologique sous lampe à fente, on retrouve plusieurs nodules de Lisch (ou hamartomes de l'iris) au niveau des deux yeux (Figure 4) avec un fond d'oeil normal sans trouble visuel. Une TDM cérébrale était normale. Un bilan standard comportant un hémogramme et un ionogramme était normal. Les parents ne présentaient aucune atteinte cutanée ou ophtalmique. Une surveillance hématologique, dermatologique et ophtalmologique est programmée tous les six mois pour nos deux patients.

 

 

Discussion

La neurofibromatose de type 1 (NF1) ou maladie de Von Recklinghausen appartient au groupe de maladies appelées phacomatoses ou dysplasie ectodermique congénitale ou encore syndrome neurocutané congénital et elle représente 95 % des neurofibromatoses. Elle est relativement rare, sa prévalence est d'environ 1/4000 à 1/3000 avec une répartition mondiale homogène et une incidence estimée à 1/2500 naissances [1,3,4].

 

C'est une affection autosomique dominante et sa pénétrance est quasi complète à l'âge de huit ans. Le gène NF1, responsable de la maladie, est localisé sur le bras long du chromosome 17 en 17q11.2 (isolé en 1990) ; il code pour une protéine, la neurofibrine, qui a un rôle oncosuppresseur [1,2]. L'inactivation de ce gène expliquerait l'apparition de nombreux types de tumeurs au cours de la maladie. Selon la conférence de consensus de 1988 du National Institute of Health Development., le diagnostic de la maladie repose sur la présence d'au moins deux des critères suivants [1,2,4]: au moins six taches café au lait de plus de 5 mm avant la puberté et plus de 15 mm après la puberté ; deux neurofibromes ou plus, un neurofibrome plexiforme ou plus ; des taches lentigineuses de la région axillaire ou inguinale ; deux nodules de Lisch (hamartomes de l'iris) ou plus, un gliome des voies optiques ; une lésion osseuse caractéristique (pseudarthrose d'un os long, dysplasie sphéno-orbitaire ou cyphose cervicale) ; un parent du premier degré atteint de NF1 suivant les critères précédents.

 

Pour notre patiente le diagnostic de la NF1 a été retenu devant la présence d'un neurofibrome plexiforme, des lentigines axillaires et les critères retrouvés chez le frère : plus de 10 taches café au lait, lentigines axillaires et plusieurs nodules de Lisch à l'examen ophtalmologique confirmant ainsi la variabilité de cette pathologie au sein d'une même famille.

 

Les neurofibromes plexiformes se développent sur le trajet des troncs nerveux des différents plexus et leurs branches de division à l'étage crânio-facial, thoracique et abdomino-pelvien, [1,5]. Ce sont des tumeurs bénignes constituées de fibroblastes, de cellules axonales, de cellules de Schwann, et de mastocytes, au sein d'une matrice myxoïde et de fibres de collagènes [5]. Le plus souvent, ces neurofibromes simulent des adénopathies et orientent vers divers diagnostics différentiels (tuberculose, lymphome, sarcoïdose ou abcès) [5]. Le neurofibrome plexiforme se manifeste rarement par une grande tache cutanée pigmentée pilleuse au cours de la NF1 (diagnostic à tort d'un naevus de Becker ou du naevus congénital pileux), c'est une forme exceptionnelle est peu décrite dans la littérature chez l'enfant; un cas rapporté par Schaffer J-V et al (USA) en 2007 et 4 cas pédiatriques rapportés par Poiraud C et al (France) en 2011 [6,7].

 

Pendant l'enfance, les complications de la NF1 sont dominées par le gliome des voies optiques ; 15 % (indication de l'IRM cérébrale), des troubles neuropsychologiques (les difficultés cognitives retrouvées dans 30 à 65 % des cas) et les complications orthopédiques (30 %), alors que chez l'adulte les complications esthétiques et le risque de dégénérescence tumorale sont au premier plan [2,4,8]. Chaix Y explique en 2004 que les troubles cognitifs au cours de la NF1 (comme le cas du frère) surviennent indépendamment de l'existence ou non de lésions cérébrales. Les souris porteuses d'une mutation à l'état homozygote d'un exon situé dans le GTP-Activating Protein Related Domain de la neurofibromine ne présentent pas de prédisposition particulière pour les tumeurs mais développent des troubles des apprentissages [9].

 

Dans un projet de corrélation génotype-phénotype réalisé en France entre 2003 et 2005 chez 1099 patients suivis pour NF1, les chercheurs ont confirmé l'hypothèse du rôle hormonal dans l'apparition et le développement des neurofibromes après la puberté et en post-partum (démontré in vitro par prolifération des cellules de Schwann sous l'influence de différentes hormones stéroïdiennes) et ils ont suggéré également l'existence d'une période à risque de développer des neurofibrome (entre 15 et 30 ans) liée à la stimulation hormonale [10].

 

Les neurofibromes peuvent dégénérer dans 3 à 15 % des cas en neurofibrosarcomes. Le risque de dégénérescence justifie une exérèse systématique surtout devant une tumeur douloureuse [4,8,11]. Des essais de prise en charge thérapeutique par biologie moléculaire de certaines voies de signalisation (Ras, mTor) ont étaient réalisé par Valeyrie-Allanore L et al en 2012 pour des patients NF1 porteurs d'une tumeur maligne des gaines nerveuses ou d'un neurofibrome plexiforme, ils ont conclus à des effets préliminaires encourageants par le Sirolimus (inhibiteurs de mTor) versus Sorafénib [12].

 

 

Conclusion

Cette observation s'ajoute au cas pédiatriques de NF1, découverte fortuitement par une grande tache cutanée pigmentée pilleuse. Une TDM ou IRM cérébrale, un examen dermatologique et ophtalmologique et un bilan hématologique doivent être réalisés devant tout neurofibrome plexiforme surtout chez l'enfant. Le risque de dégénérescence sarcomateuse justifie l'exérèse de la lésion aussi complète que possible. Le suivi de ce type de patients doit être assuré par une équipe pluridisciplinaire avec surveillance annuelle clinique et radiologique jusqu'à l'âge de dix ans, puis régulière, pour évaluer une éventuelle récidive ou une transformation maligne.

 

 

Conflits d’intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêt.

 

 

Contributions des auteurs

Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale de ce manuscrit.

 

 

Figures

Figure 1: grande tache cutanée pigmentée pilleuse légèrement infiltrée du bras gauche chez notre patiente

Figure 2: plusieurs taches lentigineuses chez notre patiente

Figure 3: plusieurs taches cutanées café au lait chez le frère

Figure 4: nodules de Lisch (hamartomes de l’iris) retrouvés chez le frère

 

 

Références

  1. Pinson S, Wolkenstein P. La neurofibromatose 1 (NF1) ou maladie de Von Recklinghausen. La revue de médecine interne. 2005;26(3):196-215. PubMed | Google Scholar

  2. Rodriguez D. Diagnostic et prise en charge globale des enfants atteints de neurofibromatose de type 1. Arch pédiatr. 2004;11(6):545-547. PubMed | Google Scholar

  3. Jacques C, Dietemann J-L. Imagerie de la neurofibromatose de type 1. J Neuroradiol. 2005;32(3):180-197. PubMed | Google Scholar

  4. Pinson S, Créange A, Barbarot S, Stalder J-F, Chaix Y, Rodriguez D et al (réseau NF-France). Neurofibromatose 1: recommandations de prise en charge. Arch Pédiatr. 2002;9(1):49-60. PubMed | Google Scholar

  5. Benaissa L, El Kharras A, Bassou D et al. Masse cervicale gauche. Feuillets de Radiologie. 2009;49(3):207-210. PubMed | Google Scholar

  6. Poiraud C, Barbarot S, Frot A-S, Stalder J-F. Grandes taches pigmentées pileuses au cours de la neurofibromatose de type 1 de l'enfant: une forme clinique de neurofibrome plexiforme. Annales de Dermatologie et de Vénéréologie. 2011;138(12):A149. PubMed | Google Scholar

  7. Schaffer J-V, Chang M-W, Kovich O-I, Kamino H, Orlow S-J. Pigmented plexiform neurofibroma: distinction from a large congenital melanocytic nevus. Journal of the American Academy of Dermatology. 2007;56(5):862-868. PubMed | Google Scholar

  8. Landrieu P. Comment surveiller un enfant atteint de neurofibromatose de Recklinghausen? Arch Pédiatr. 2002;9(8):771-3. PubMed | Google Scholar

  9. Chaix Y. Apports de la recherche dans la compréhension des troubles des apprentissages dans la neurofibromatose de type 1. Arch Pédiatr. 2004;11(6):548-549. PubMed | Google Scholar

  10. Sbidian E , Duong T-A, Valeyrie-Allanore L , Sabbagh A. Neurofibromatose 1: influence des phénotypes féminin et masculin. Annales de Dermatologie et de Vénéréologie. 2011;138(12 suppl):A77-A78. PubMed | Google Scholar

  11. Halb C, Lefèbvre F, Chaouadi D, Munzer M, Behar C. Neurofibromatose de type 1: 3 nouveaux cas de dégénérescence sarcomateuse. Arch Pédiatr. 2008;15(5):887-922. PubMed | Google Scholar

  12. Valeyrie-Allanore L, Combemale P, Pouessel D, Culine S, Hamel-Teillac D, Perel Y et al. Thérapeutiques ciblées dans la neurofibromatose 1: les premières avancées. Annales de Dermatologie et de Vénéréologie. 2012;139(12 suppl):B104. PubMed | Google Scholar