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L’accident ischémique cérébral chez le sujet jeune: à propos de 6 cas

L’accident ischémique cérébral chez le sujet jeune: à propos de 6 cas

 

Naziha Khammassi1,&, Yosra Ben Sassi1, Asma Aloui1, Youssef Kort1, Haykel Abdelhedi1, Ouahida Cherif1

 

1Service de Médecine Interne, Hôpital Razi, La Manouba, Tunisie

 

 

&Auteur correspondant
Naziha Khammassi, Service de Médecine Interne, Hôpital Razi, La Manouba, Tunisie

 

 

Résumé

Les accidents ischémiques cérébraux (AIC) du sujet jeune se caractérisent par une panoplie d'étiologies différentes de celles des accidents vasculaires cérébraux (AVC) du sujet âgé d'où l'intérêt de bien creuser devant une telle atteinte à la recherche surtout d'une thrombophilie ou d'une cardiopathie emboligène. Cependant, il ne faut pas négliger une exposition de plus en plus accrue du sujet jeune à des facteurs de risque cardio-vasculaires tel le tabagisme qui accélère le processus d'athérosclérose, étiologie principale d'AVC tout âge confondu. Nous avons rétrospectivement collecté les données de six patients âgés de moins de 45 ans qui ont été hospitalisés dans notre service pour un AIC. La moyenne d'âge était de 35,3 et les hommes représentaient 16% de notre série. L'enquête étiologique a conclu à un syndrome des anticorps anti-phospholipides secondaire à un syndrome de Gougerot Sjögren chez l'un des patients, un déficit en protéine S chez deux patients et un syndrome de Sneddon chez un autre. Les causes d'AIC n'ont pas été identifiées dans les deux autres cas. Un traitement à base d'anti-vitamines K ou d'antiagrégants plaquettaires a été instauré en cas d'étiologie révélée.

 

 

Introduction

L'accident ischémique cérébral (AIC) du sujet jeune de moins de 45 ans [1] s'authentifie à l'ensemble des AVC par sa présentation clinique et sa prise en charge initiale. En revanche les AIC du sujet jeune se distinguent de part leurs aspects étiologiques et les thérapeutiques qui s'en suivent et ils représentent 10% de l'ensemble des AVC quelque soit l'âge [2]. Il est à noter également que les AIC du sujet jeune posent un problème de diagnostic différentiel avec certaines pathologies aussi fréquentes dans cette tranche d'âge exigeant ainsi une enquête étiologique attentive. L'évolution et le pronostic sont en général meilleurs par rapport aux atteintes du sujet âgé, tout de même une meilleure prise en charge et surtout l'éviction des récidives, nécessite d'appréhender la bonne démarche diagnostique et thérapeutique.

 

 

Méthodes

Nous rapportons six cas d'AIC diagnostiqués chez des sujets de moins de 45 ans dans le service de médecine interne de l'hôpital Razi dans la période s'étendant de 2010 à 2014. Les données ont été recueillies à partir des dossiers cliniques et pour chaque patient nous avons collecté: des éléments épidémiologiques: âge, sexe, antécédents personnels; des éléments cliniques : examen somatique complet à l'admission, notamment l'examen neurologique; des éléments biologiques: hémogramme, bilan inflammatoire, bilan d'hémostase, bilan lipidique, bilan immunologique, bilan de thrombophilie et le dosage de l'homocystéine; des éléments de l'imagerie: tomodensitométrie cérébrale, l'échographie tansthoracique et des troncs supra-aortiques.

 

 

Résultats

 

Population de l'étude

 

Nos résultats sont consignés dans des tableaux comme tel: les données épidémiologiques et cliniques, les données biologiques, les données radiologiques et les données immunologiques respectivement dans les Tableau 1, Tableau 2, Tableau 3, Tableau 4).

 

Etiologies

 

L'enquête étiologique a conclu à un syndrome de Sneddon pour le premier cas devant l'association d'un livédo et d'une atrophie cortico-sous corticale (Tableau 1, Tableau 2). Pour le deuxième cas, le diagnostic de syndrome des antiphospholipides secondaire à un syndrome de Goujerot Sjögren a été retenu (Tableau 4). Le déficit en protéine S a été retenu comme étiologie de l'AIC pour le troisième et le quatrième cas (Tableau 4). Les différentes explorations n'ont pas permis de retenir une étiologie pour le cinquième et le sixième cas.

 

 

Discussion

 

Age et sexe

 

La moyenne d'âge de nos patients était de 35,3 ans, presque identique à celle retrouvée dans la majorité des séries [3,4]. Les hommes représentaient uniquement 16% de notre effectif avec une nette prédominance féminine. Ceci parait être en contraste avec la plupart des études récentes qui ont retrouvé une légère prédominance masculine. Dans l'étude qui a été menée par Cerrato et al, les hommes représentaient 58% de la population [3]. Un autre registre étudié par Kristensen et al rejoignait encore ces résultats avec un pourcentage de 59% de sujets masculins. Toutefois il est à noter qu'une étude de Bogousslavsky et al. a démontré le contraire avec un pourcentage de femmes beaucoup plus important (56%) [1]. En raison de notre faible effectif, cette apparente prédominance féminine est difficile à authentifier.

 

Démarche diagnostique

 

Une étape ultime après la survenue d'un AIC chez un sujet jeune consiste à affirmer ou à infirmer une dissection vasculaire dont la confirmation diagnostique est rendue aisée grâce aux moyens d'imagerie cérébrale. Une fois ce diagnostic récusé, la recherche d'une anomalie de la coagulation est justifiable. D'ailleurs ceci nous a permis de retrouver un déficit en protéine S chez deux de nos patients et de le retenir comme étiologie de l'accident cérébral en l'absence d'autres causes.

 

Topographie lésionnelle

 

Dans les six cas étudiés, l'ischémie cérébrale est survenue dans le territoire sylvien sans aucune atteinte de la région vertébro-basilaire. L'étude Cerrato et al a retrouvé un pourcentage de 52% d'ischémie dans le territoire sylvien contre 36% dans la région vertébro-basilaire [3].

 

Etiologies

 

Parmi les six cas étudiés dans notre service, les causes d'AIC n'ont pu être déterminées dans 33% des cas. Notre effectif, bien que faible, traduisait les données de la littérature. En effet dans la plupart des séries, l'enquête étiologique demeurait négative chez près de 30% des patients malgré un bilan dit exhaustif. Ce pourcentage pouvait aller à 50% dans certaines études [5]. De tels résultats reflétaient toute la difficulté à établir le diagnostic étiologique de l'accident cérébral chez le sujet jeune. En revanche certaines étiologies ressortaient comme les plus fréquentes dans la plupart des études. Ainsi les cardiopathies emboligènes suivies des dissections de l'aorte étaient identifiées comme les étiologies les plus courantes des AVC du sujet jeune [1,4]. Toutefois ceci ne pourrait dissimuler la grande variabilité étiologique de ces accidents chez les jeunes patients, ce qui exige justement une discussion et une prise en charge individualisées et propres à chaque situation clinique. Tableau 5 montre les principales causes retrouvées dans la plupart des études. Il est justement remarquable que l'incidence de certaines étiologies diffère en fonction du type de l'enquête, la taille de l'échantillon et les moyens de diagnostics utilisés.

 

Traitement

 

La prise en charge initiale des jeunes patients atteints d'AIC est semblable à celle des sujets âgés, par contre un traitement spécifique a pu être instauré chez trois de nos patients. Le patient chez qui on a diagnostiqué un syndrome des anticorps antiphospholipides a été mis sous antiagrégant plaquettaire, par contre ceux ayant un déficit en protéine S ont été mis sous anti-vitamines K avec une bonne évolution clinique et absence de récidive. Ainsi le traitement des AIC dépend de l'étiologie, si on arrive à l'identifier et il rejoint le traitement des AVC du sujet âgé dans le cas contraire.

 

 

Conclusion

Les AIC du sujet jeune nécessitent une approche diagnostique individualisée du fait de la fréquence relative de pathologies sous jacentes, bien que l'athérosclérose demeure en tête de liste des étiologies tout âge confondu. L'imagerie cérébrale a tout son intérêt que ce soit pour établir un diagnostic topographique ou pour avoir une orientation étiologique en révélant certaines anomalies spécifiques. Tout de même elle ne dispense pas d'un bilan biologique visant à détecter surtout une anomalie de l'hémostase ou une dysimmunité ni d'explorations cardiaques à la recherche d'une cardiopathie emboligène. D'autres investigations peuvent être nécessaires en fonction du contexte clinique.

 

 

Conflits d’intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts

 

 

Contributions des auteurs

Tous les auteurs ont contribué à la conduite de ce travail. Tous les auteurs déclarent également avoir lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Tableaux

Tableau 1: données épidémiologiques et cliniques

Tableau 2: données biologiques et radiologiques

Tableau 3: explorations cardio-vasculaires

Tableau 4: données immunologiques

Tableau 5: étiologies des AIC du sujet jeune dans d’autres études

 

 

Références

  1. Bogousslavsky J, Pierre P. Ischemic stroke in patients under age 45. Neurol Clin. 1992 Feb;10(1):113-24. PubMed | Google Scholar

  2. Goupil A, Bourghol B, Derouet N, Savio C, Bourrier P. Prise en charge de l accident ischemique cerebral du sujet jeune en urgence: aspects etiologiques et therapeutiques. Reanimation. 2002; 7(11):502-8. PubMed | Google Scholar

  3. Cerrato MG. Stroke in young patients: etiopathogenesis and risk factors in different age classes. Cerebrovasc Dis Basel Switz. 2004; 18(2):154-9. PubMed | Google Scholar

  4. Nedeltchev K, der Maur TA, Georgiadis D, Arnold M, Caso V, Mattle H et al. Ischaemic stroke in young adults: predictors of outcome and recurrence. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 2005 Feb; 76(2):191-5. PubMed | Google Scholar

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  7. Kristensen B, Malm J, Carlberg B, Stegmayr B, Backman C, Fagerlund M et al. Epidemiology and etiology of ischemic stroke in young adults aged 18 to 44 years in northern Sweden. Stroke J Cereb Circ. 1997 Sep; 28(9):1702-9. PubMed | Google Scholar

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