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Un cas de trichobezoard gastrique

Un cas de trichobezoard gastrique

 

Mountassir Moujahid1,&, Tarik Ziadi1, Issam Ennafae1, Hicham Kechna1, Omar Ouzzad1, Sifeddine EL Kandry1

 

1Service de chirurgie générale, 5ème Hôpital Militaire Guelmim, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Mountassir Moujahid, Service de chirurgie générale, 5ème Hôpital Militaire Guelmim, Maroc

 

 

Introduction

Le trichobézoard est une affection rare qui survient habituellement chez des adolescents présentant des troubles psychiques. Sa symptomatologie clinique est très variée et le diagnostic est souvent suspecté à la radiologie et à l’endoscopie. Le traitement est essentiellement chirurgical associé à une prise en charge psychologique. Nous rapportons un cas colligé dans le service de chirurgie du 5ème Hôpital Militaire.

 

 

Observation

Il s’agit d’une jeune fille de 26 ans, sans antécédents pathologiques notables ; qui présentait depuis trois mois des douleurs épigastriques à type de crampes et de pesanteurs post prandiales associées à des vomissements alimentaires, des éructations nauséabondes avec une haleine fétide sans trouble du transit intestinal, le tout évoluant dans un contexte d’amaigrissement chiffré à six Kg.

 

L’examen clinique a mis en évidence une pâleur conjonctivale modérée avec une masse épigastrique dure, indolore, mobile, de surface lisse. Le reste de l’examen somatique est sans particularité. La fibroscopie oesogastroduodénale a montré une formation gastrique intraluminale faite de cheveux entrelacés mêlés à des aliments occupant tout l’estomac correspondant à un trichobézoard. Le scanner abdominal a mis en évidence une image hétérogène de siège intra gastrique (Figure 1, 2 et 3).

 

Le reste du bilan biologique a mis en évidence une discrète anémie hypochrome avec une hypo protidémie à 60 g/L et une hypo albuminémie à 30 g/L. L´exérèse chirurgicale était alors réalisée à travers une gastrotomie permettant l’extraction d’un énorme trichobézoard épousant toute la forme de l’estomac (Figure 4 et 5).

 

Les suites postopératoires étaient simples. Une prise en charge psychiatrique était instaurée par la suite chez notre malade.

 

 

Discussion

Le terme “Bézoard” est issu du persan panzehr, ou de l´arabe badzehr, qui signifie antidote ou antipoison [1]. Il désigne une affection rare, secondaire à l´accumulation inhabituelle, sous forme de masses solides ou de concrétions, de substances de diverses natures à l´intérieur du tube digestif et plus particulièrement au niveau de l´estomac, mais aussi parfois dans les voies urinaires. La nature de L’origine des substances détermine le type du bézoard. On distingue le lactéobézoard composé de lait caillé observé chez le nourrisson ; le phytobézoard composé de végétaux non digérés et Les trichobézoards qui représentent 55 % de tous les bézoards constitués de concrétions de cheveux ,de poils ou des fibres de tapis et de débris alimentaires, habituellement confinés dans l´estomac. Exceptionnellement ils peuvent se prolaber dans l´intestin grêle à travers le pylore et être source d’occlusion. D’autres bézoards ont été décrits après la prise de médicaments modifiant le comportement digestif: antiacides, cholestyramine [2]. Le premier cas de trichobézoard a été publié en 1779 [3]. C’est une affection très rare, son diagnostic est clinique et endoscopique. Il est évoqué devant une symptomatologie digestive chronique peu spécifique ; surtout chez les jeunes filles ayant des troubles psychiques [1]. Les trichobézoards se forment principalement au niveau de l’estomac, et moins souvent au niveau de l’intestin grêle. Cette affection se manifeste à deux pics d’âge différents. Le premier groupe se situe entre 2 et 6 ans et le second en fin d’adolescence et chez le jeune adulte [2]. Le trichobézoard est observé le plus souvent chez les patients émotionnellement perturbés ou déprimés, les malades psychiatriques, les retardés mentaux et les prisonniers ainsi que chez les patients aux antécédents de chirurgie gastrique, de trichollomanie avec tricophagie [1,3] .La symptomatologie clinique est très variée type douleurs abdominales, nausées, vomissements, masse abdominale, parfois le bézoard est révélé par une complication telle qu’une hémorragie digestive, une occlusion, une perforation jéjunale [2], ou une pancréatite aiguë imputée à une obstruction de l´ampoule de Vater par un prolongement du trichobézoard réalisant le syndrome de Rapunzel [4].

 

La fibroscopie oesogastroduodénale reste l´examen de choix en ce qui concerne le diagnostic en permettant la visualisation de cheveux enchevêtrés pathognomonique du trichobézoard. Elle peut, parfois avoir un intérêt thérapeutique en permettant l´extraction endoscopique de petits trichobézoards [1,3].

 

L´échographie ne permet de poser le diagnostic que dans 25 % des cas, en visualisant une bande superficielle, hyperéchogène, curviligne avec un net cône d´ombre postérieur [4]. La tomodensitométrie avec opacification du tube digestif, ainsi que l’imagerie par résonance magnétique, ont un intérêt moindre dans le diagnostic de trichobézoard. Le traitement est chirurgical permettant l´extraction du trichobézoard gastrique à travers une gastrotomie, ainsi que l´extraction d´éventuels prolongements ou fragments bloqués à distance de l´estomac à travers une ou plusieurs entérotomies [5]. Récemment, la voie laparoscopique a été proposée comme une alternative à la laparotomie [6]. Par ailleurs, une prise en charge psychiatrique, à base de thérapie comportementale, d´éducation parentale et de traitement médical, doit souvent être instaurée chez les patients présentant une trichophagie [1,4,6].

 

 

Conclusion

Le trichobézoard est une pathologie rare qui survient habituellement chez des adolescents présentant des troubles psychiques. La symptomatologie clinique est très variée et le diagnostic est souvent suspecté à la radiologie et à l’endoscopie. Le traitement est chirurgical associé à une prise en charge psychologique.

 

 

Conflit d’intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts.

 

 

Contributions des auteurs

Tous les auteurs ont contribué à la rédaction de ce manuscrit et lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures

Figure 1: scanner abdominal montrant une image hétérogène de siège intra gastrique chez un patient atteint de trichobezoard gastrique

Figure 2: coupe sagittale montrant le trichobézoard gastrique

Figure 3: coupe axiale montrant le trichobézoard gastrique

Figure 4: gastrostomie permettant l’extraction du trichobézoard gastrique

Figure 5: pièce opératoire montrant le trichobézoard gastrique

 

 

Références

  1. Debakey M, Ochsner A. Bezoars and concretions: Comprehensive review of the literature with analysis of 303 cases and presentation of eight additional cases. Surgery. 1938; 4: 934-963

  2. Dumonceaux A, Michauld L, Bonnevalle M, Debeugny P, Gottrand F, Turck D. Trichobézoard de l’enfant et de l’adolescent. Arch Pediatr. 1998 Sep;5(9):996-9. This article on PubMed

  3. Kisra K, Kaddouri M, Abdelhak M, Benhamouch N, Bahraoui M. Trichobézoard. Maroc Médical. 1998; 20: 255-258

  4. Ousadden A, Mazaz K, Mellouki I, Taleb KA. Le trichobézoard gastrique : une observation. Ann Chir. 2004 May;129(4):237-40. This article on PubMed

  5. Singla S L, Rattan K N, Kaushik N, Pandit S K. Rapunzel Syndrome A case report. Am J Gastroenterol. 1999 ; 94 : 1970-1971. This article on PubMed

  6. Palanivelu C, Rangarajan M, Senthilkumar R, Madankumar MV. Trichobezoars in the stomach and ileum and their laparoscopy-assisted removal: a bizarre case. Singapore Med J. 2007 Feb;48(2):e37-9. This article on PubMed