Home | Volume 26 | Article number 73

Original article

Carcinome tubulo-papillaire chez une jeune de 17 ans: à propos d’un cas et revue de la littérature

Carcinome tubulo-papillaire chez une jeune de 17 ans: à propos d’un cas et revue de la littérature

Tubulopapillary carcinoma in a 17-year-old female patient: a case report and review of the literature

Adil Kallat1,&, Hicham Ouazize1, Otheman Fahsi1, Hani Abousaleh1, Hachem El Sayegh1, Ali Iken1, Lounis Benslimane1, Yassine Nouini1

 

1Service d’Urologie A, Hôpital Ibn Sina, CHU Rabat, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Adil Kallat, Service d’Urologie A, Hôpital Ibn Sina, CHU Rabat, Maroc

 

 

Résumé

Les tumeurs tubulo-papillaires représentent 10% des carcinomes à cellules rénales. Elles sont plus fréquentes chez l’homme que chez la femme (sex ratio: 8/1). L’âge moyen se situe dans la sixième décade. Sur le plan anatomopathologique, on distingue deux types: le 1 correspondant à une prolifération de cellules basophiles et le type 2 qui correspond à une prolifération de cellules éosinophiles. Nous rapportant le cas d’une patiente de 17 ans sans antécédents pathologiques qui s’est présentée aux urgences pour des douleurs de la fosse lombaire droite et du flanc droit avec hématurie évoluant depuis deux jours avant son admission, le tout évoluant dans un contexte d’amaigrissement et d’altération de l’état général. L’examen clinique à son admission retrouvait une patiente en mauvais état général, apyrétique avec une tension artérielle à 110mmhg/70mmhg et une fréquence cardiaque à 110 battements par minute. L’examen abdominal objectivait à l’inspection une voussure du flanc droit avec défense et empattement à la palpation. La numération formule sanguine retrouvait un taux d’hémoglobine à 6 g/dl ayant nécessité une transfusion. Le scanner abdominal a mis en évidence une volumineuse formation tissulaire polaire inférieure rénale droite de 10 cm/7.8 cm avec épanchement liquidien péri-rénal de 17 mm d’épaisseur. Deux jours après son admission l’évolution a été marquée par une déglobulisation avec accentuation des douleurs abdominales, on décide alors de faire une néphrectomie d’hémostase. On a réalisé une néphrectomie totale élargie droite par abord sous costal avec à l’examen anatomopathologique un carcinome tubulo-papillaire de type 2. Le scanner thoracique réalisé ultérieurement n’a pas objectivé de localisations secondaires.


English abstract

Tubulopapillary carcinomas account for 10% of renal cell carcinomas. They are more frequent in men than in women (sex ratio:8/1). The average period is the sixth decade. There are two anatomopathological types:the 1 corresponding to a proliferation of basophilic cells and type 2 corresponding to a proliferation of eosinophilic cells. We report the case of a 17-year old female patient with no particular past medical history presenting to the emergency department with pain in the right lumbar fossa and in the right flank associated with hematuria evolving for two days before admission, with loss of body weight and deterioration of the general status. Clinical examination on admission showed poor general condition. The patient was apyretic with blood pressure of 110 mmhg/70mmhg and a heart rate at 110 beats per minute. Abdominal examination based on patient’s inspection showed curvature of the right flank with tenderness, and guarding on palpation. Hemoglobin levels in the blood were 6 g/dl requiring transfusion. Abdominal scan showed voluminous right renal inferior polar tissue formation measuring 10 cm/7.8 cm with peri-renal effusion of 17 mm thickness. Two days after admission patient’s evolution was marked by deglobulisation associated with accentuation of the abdominal pains. The patient underwent hemostatic nephrectomy. Total enlarged right nephrectomy was performed via subcostal incisions. Histological examination revealed type 2 tubulopapillary carcinoma. Chest CT scan did not show secondary tumors.

Key words: Tubulopapillary carcinoma, kidney, enlarged nephrectomy

 

 

Introduction    Down

Les tumeurs tubulo-papillaires représentent 10% des carcinomes à cellules rénales. Elles sont plus fréquentes chez l’homme que chez la femme (sexe ratio: 8 /1). L’âge moyen se situe dans la sixième décade. Elles regroupent l’adénome papillaire et le carcinome tubulo-papillaire. L’adénome papillaire se développerait à partir de reliquats métanéphriques et peut être considéré comme le précurseur du carcinome tubulo-papillaire. Les tumeurs tubulo-papillaires sont souvent multiples et parfois bilatérales. Elles représentent le type histologique le plus fréquemment retrouvé chez les hémodialysés ayant développé une dysplasie multikystique acquise.

 

 

Patient et observation Up    Down

Nous présentant le cas d’une jeune patiente de 17 ans sans antécédents pathologiques qui s’est présentée aux urgences pour des douleurs de la fosse lombaire droite et du flanc droit avec hématurie évoluant depuis deux jours avant son admission, le tout évoluant dans un contexte d’amaigrissement et d’altération de l’état général. L’examen clinique à son admission retrouvait une patiente en mauvais état général, apyrétique avec une tension artérielle à 110mmhg/70mmhg et une fréquence cardiaque à 110 battements par minute. L’examen abdominal objectivait à l’inspection une voussure du flanc droit (Figure 1) avec défense et empattement à la palpation. La numération formule sanguine retrouvait un taux d’hémoglobine à 6 g/dl ayant nécessité une transfusion. Le scanner abdominal (Figure 2) a mis en évidence une volumineuse formation tissulaire polaire inférieure rénale droite de 10 cm/7.8 cm avec épanchement liquidien péri-rénal de 17 mm d’épaisseur. Deux jours après son admission l’évolution a été marquée par une déglobulisation avec accentuation des douleurs abdominales, on décide alors de faire une néphrectomie d’hémostase. On a réalisé une néphrectomie totale élargie droite (Figure 3) par abord sous costal avec à l’examen anatomopathologique un carcinome tubulo-papillaire de type 2 (Figure 4). Le scanner thoracique réalisé ultérieurement n’a pas objectivé de localisations secondaires.

 

 

Discussion Up    Down

L'individualisation des tumeurs tubulo-papillaires est relativement récente. Ce n'est qu'en 1976 que Mancilla-Jimenez réexamine 224 cas d'adénocarcinomes du rein, isolent 34 tumeurs à architecture tubulo-papillaire prédominante ou exclusive et établissent les premières particularités cliniques et radiologiques. Les tumeurs tubulo-papillaires représentent 10 à 15% des carcinomes à cellules rénales. Elles ont pour caractéristiques d'être souvent multiples (20 à 30%) et ont un meilleur pronostic que le cancer à cellules claires. Delahunt relance l'étude de ce type histologique en distinguant formellement en 1997 deux sous-types histologiques [1, 2]: le type 1 correspond aux tumeurs à cellules basophiles de petite taille avec cytoplasme réduit, petit noyau ovale, discret nucléole formant une seule assise de cellules le long de la membrane basale. Les macrophages spumeux y sont fréquents et les calcosphérites sont retrouvées dans 50%. Ce type est corrélé à des tumeurs de bas grade et stade de Robson et à une multifocalité importante. Le type 2 correspond aux tumeurs à cellules éosinophiles de plus grande taille avec cytoplasme abondant, noyau sphérique et large nucléole. Les macrophages spumeux sont rares et les calcosphérites retrouvées dans 10% des cas. Ce type est corrélé à des tumeurs de haut grade, apparaissant de plus grande taille, unifocales et corrélé à un moins bon pronostic. Dans une deuxième étude en 2001 [2], Delahunt compare 50 tumeurs tubulo-papillaires de type 1 à 16 tumeurs de type 2, et retrouve une cinétique de croissance plus importante pour les tumeurs tubulo-papillaires de type 2 et confirme leur corrélation à un grade plus élevé et à un moins bon pronostic. L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire chez notre patiente a révélé, une prolifération carcinomateuse, d’architecture papillaire. Ces papilles sont bordées par plusieurs couches de cellules éosinophiles munis de noyaux discrètement irréguliers avec nucléole visible au fort grossissement (grade 2 de Furhman). Ce qui correspond à un carcinome tubulo-papillaire type 2. A l'examen tomodensitométrique, avant injection les tumeurs tubulo-papillaires ont un aspect homogène, à contours bien définis. L'interface avec le parenchyme environnant est nette. Classiquement la tumeur est iso ou hypodense par rapport au parenchyme adjacent. Ces lésions peuvent être le siège de calcifications dans un tiers des cas d'aspect punctiforme et de topographie centrale. Après injection du produit de contraste, le rehaussement est faible, uniforme et homogène [3]. Les tumeurs tubulo-papillaires apparaissent typiquement homogènes en isosignal en imagerie par résonance magnétique, mais peuvent se présenter en discret hypo ou hypersignal par rapport au cortex adjacent. Le rehaussement après injection du Gadolinium est faible et homogène. Il est significatif s'il dépasse 10 à 15 UH [4]. Nous pensons, comme plusieurs auteurs, que le traitement de référence reste la néphrectomie élargie du fait du risque de la récidive locale et de la multifocalité indétectable sur le bilan préopératoire [5].

 

 

Conclusion Up    Down

Les tumeurs tubulo-papillaires ont un meilleur pronostic que les carcinomes à cellules claires [6]. Mais selon des études récentes, il semble exister une hétérogénéité pronostique au sein de ces tumeurs; cette hétérogénéité pronostique serait liée à des paramètres cytogénétiques [7-10].

 

 

Conflits d’intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Adil Kallat, Hicham Ouazize: examen clinique, explorations, dérivation des urines, discussion du cas et décision concernant le suivi; Othemane Fahsi, Hani Abousaleh, Hachem El Sayegh, Ali Iken, Lounis Benslimane, Yassine Nouini : discussion du cas et décision concernant le suivi. Tous les auteurs ont contribué à la conduite de ce travail. Tous les auteurs déclarent également avoir lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: voussure au niveau de l’hypochondre droit

Figure 2: scanner abdominal montrant une volumineuse formation tissulaire polaire inférieure rénale droite de 10 cm/7.8 cm avec épanchement liquidien péri-rénal de 17 mm d’épaisseur

Figure 3: A) pièce opératoire de néphrectomie élargie intacte faisant 847g; B) pièce opératoire de néphrectomie élargie ouverte

Figure 4: carcinome tubulo-papillaire type 2: prolifération carcinomateuse d’architecture papillaire, les papilles sont bordées par plusieurs couches de cellules éosinophiles munis de noyaux discrètement irréguliers avec nucléole visible au fort grossissement

 

 

Références Up    Down

  1. Delahunt B, Eble JN. Papillary renal cell carcinoma: a clinicopathologic and immunohistochemical study of 105 tumors. Mod Path. 1997; 10(6): 537-544. PubMed | Google Scholar

  2. Delahunt B, Eble JN, McCredie MR, Bethwaite PB, Stewart JH, Bilous AM. Morphologic typing of papillary renal cell carcinoma: comparison of growth kinetics and patient survival in 66 cases. Hum Pathol. 2001 Jun; 32(6): 590-595. PubMed | Google Scholar

  3. Herts BR, Coll DM, Novick AC, Obuchowski N, Linnell G, Wirth SL, Baker ME. Enhancement characteristics of papillary renal neoplasms revealed on triphasic helical CT of the kidneys. AJR Am J Roentgenol. 2002 Feb; 178(2): 367-372. PubMed | Google Scholar

  4. Nikken JJ, Krestin GP. Magnetic resonance in the diagnosis of renal masses. BJU Int. 2000 Jul; 86 Suppl 1: 58-69. PubMed | Google Scholar

  5. Whang M, O'Toole K, Bixon R, Brunetti J, Ikeguchi E, Olsson CA, Sawczuk TS, Benson MC. The incidence of multifocal renal cell carcinoma in patients who are candidates for partial nephrectomy. J Urol. 1995 Sep; 154(3): 968-970;discussion 970-971. PubMed | Google Scholar

  6. Mancilla-Jimenez R, Stanley RJ, Blath RA. Papillary renal cell carcinoma: a clinical, radiologic, and pathologic study of 34 cases. Cancer. 1976 Dec; 38(6): 2469-2480. PubMed | Google Scholar

  7. Amin MB, Corless CL, Renshaw AA, Tickoo SK, Kubus J, Schultz DS. Papillary (Chromophil) Renal Cell Carcinoma: histomorphologic characteristics and evaluation of conventional pathologic pronostic Parameters in 62 cases. Am J Surg Pathol. 1997 Jun; 21(6): 621-635. PubMed | Google Scholar

  8. Medeiros LJ, Gelb AB, Weiss LM. Renal cell carcinoma. Prognostic significance of morphologic parameters in 121 cases. Cancer. 1988 Apr 15; 61(8): 1639-1651. PubMed | Google Scholar

  9. Punga-Maole ML, Hubert J, Grignon Y, Floquet J, Mangin P. Les tumeurs tubulo-papillaires du rein. Particularités cliniques, histologiques et cytogénétiques. A propos de 15 nouvelles observations. Prog Urol. 1994 Dec; 4(6): 977-986. PubMed | Google Scholar

  10. Zbar B, Tory K, Merino M, Schmidt L, Glenn G, Choyke P, Walther MCM, Lerman M, Linehan WM. Hereditary papillary renal cell carcinoma. J Urol. 1994 Mar; 151(3): 561- 566. PubMed | Google Scholar