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Syndrome de Marcus-Gunn: à propos d'un cas

Syndrome de Marcus-Gunn: à propos d'un cas

Marcus Gunn syndrome: a case report

Rajaa Elhannati1,&, Meriem Abdellaoui1, Idriss Andalloussi Benatiya1, Hicham Tahri1

 

1Centre Hospitalier Universitaire, Hassan II, Fès, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Rajaa Elhannati, Centre Hospitalier Universitaire, Hassan II, Fès, Maroc

 

 

Résumé

Le syndrome de Marcus Gunn est un syndrome qui associe un ptosis congénital et une syncinésie mandibulo-palpébrale lors de certains mouvements mandibulaires. Nous rapportons le cas d'un enfant de quatre ans et demi qui présente un ptosis de la paupière gauche qui disparait lors de l'ouverture buccale. L'examen montre une acuité visuelle de 4/10 ème un ptosis majeur associé à une hyperaction du muscle frontal. L'examen somatique est sans particularités. L'enfant a bénéficié d'une section du muscle releveur supérieur avec une suspension frontale suivie d'une correction optique totale et d'un traitement de l'amblyopie.


English abstract

The Marcus-Gunn syndrome associates an unilateral congenital blepharoptosis and ″jaw-winking″ synkinesia. We report the case of a four year old child that has a ptosis of the left eyelid disappearing during mouth opening. Ophthalmologic examination revealed visual acuity of 4 / 10th, a major ptosis with overaction of the frontal muscle. Physical examination was unremarkable. The treatement levator excision and frontalis brow suspension followed by a complete optical correction and treatment of amblyopia.

Key words: Marcus-Gunn syndrome, pathogeny, surgical treatement

 

 

Introduction    Down

Le syndrome de Marcus-Gunn est un syndrome qui associe un ptosis congénital et une syncinésie mandibulo-palpébrale lors de certains mouvements mandibulaires. Nous rapportons un cas de syndrome de Marcus-Gunn en insistant sur les aspects cliniques, étiopathogéniques et thérapeutiques de ce syndrome.

 

 

Patient et observation Up    Down

Il s'agit d'un enfant de 4ans et demi dont les parents consultent pour une chute palpébrale gauche constatée à l'âge de 1 an et qui disparait lors de l'ouverture buccale. L'interrogatoire ne trouve pas de notion de consanguinité ou de cas similaire dans la famille. L'accouchement et la période néonatale se sont déroulés sans incidents. L'examen ophtalmologique montre une acuité visuelle à 10/10 ème à droite et 4/10 ème à gauche. L'examen des annexes trouve un ptosis majeur gauche avec une course du releveur nulle associée à une hyper-action du muscle frontal sans paralysie oculomotrice ni strabisme associés (Figure 1). Le pli palpébral supérieur est absent. Une rétraction de la paupière supérieure- gauche apparaît lors de l'ouverture buccale (Figure 2), la syncinésie est modérée. Le segment antérieur des deux yeux est normal de même que le fond d'oeil. Les réflexes photo-moteurs sont présents et symétriques. Par ailleurs, l'examen somatique notamment neurologique est sans particularité. La tomodensitométrie orbito-céphalique est revenue normale. L'enfant a bénéficié d'une section du muscle releveur supérieur avec une suspension frontale au fils de prolène avec bonne évolution (Figure 3) suivie d'une correction optique totale avec traitement de l'amblyopie.

 

 

Discussion Up    Down

Le premier cas du syndrome de Marcus Gunn est décrit chez une fille de 15 ans par Robert Marcus gunn en 1883 sous le nom de ″Jaw-Winking phenomen″ ou le phénomène de la mâchoire à clignement [1]. Il représente 2 à 13% des ptosis congénitaux [2], mais peut être acquis dans certaines conditions (après un traumatisme à l'enfance, des processus inflammatoire ou même après des lésions tumorales). Il est caractérisé par un ptosis associé à une syncinésie mandibulopalpébrale. Le ptosis est corrigé par l'ouverture buccale ou la diduction mandibulaire. Il peut être isolé ou associé à des troubles oculomoteurs. Le syndrome est en général unilatéral rarement bilatéral [3,4]. Le plus souvent du côté gauche [3,5] ce qui est noté dans notre cas. Il se transmet selon un mode autosomique dominant avec une faible pénétrance [6]. Des cas sporadiques sont décrits [7]. Dans notre observation, il s'agit du premier cas diagnostiqué dans la famille. L'éthiopathogénie est mal connue, elle résulte d'une innervation aberrante du muscle releveur de la paupière supérieure par des fibres motrices du trijumeau. Les hypothèses étiopathogéniques sont multiples [8-10]: une origine neurogène centrale par une connexion anormale qui survient à plusieurs niveaux (entre le noyau masticateur pontin du nerf trijumeau et les tubercules quadrijumeaux antérieurs du nerf oculomoteur commun, une connexion internucléaire ou infra-nucléaire ou même une connexion anormale corticale ou sus corticale) ou par une localisation nucléaire ectopique; une origine neurogène périphérique par une atrophie neurogène avec innervation aberrante qui survient in utero. -Une origine musculaire par une atrophie des fibres musculaires du muscle releveur de la paupière supérieure du côté atteint Il est le plus souvent découvert par les parents. Il peut être associé à d'autres troubles oculomoteurs ou généraux. La fréquence de l'amblyopie varie de 34 à 59 % selon les séries, celle du strabisme entre 10 et 82 % [6, 7,10]. Les troubles oculomoteurs fréquemment retrouvés sont l'hypotropie et le syndrome de Stilling Duane. Les anomalies systémiques associées sont très rares : une ectrodactylie, un pied creux bilatéral avec genu varum, une cryptorchidie bilatérale, des incisives surnuméraires, une spina-bifida et une fente labiale [7,10]. Le but du traitement est de faire disparaître la syncinésie, corriger le ptosis et de traiter les troubles associés notamment l'amblyopie. Il fait appel aux résections musculaires ou à la suspension de la paupière supérieure au muscle frontal. Les techniques chirurgicales proposées dans la littérature sont multiples [10-12]. Une résection du muscle releveur de la paupière supérieure sans correction de la syncinésie, une résection tarso-conjonctivo-müllérienne sans correction de la syncinésie, une section-dénervation du releveur de la paupière supérieure du côté atteint et suspension unilatérale ou bilatérale de la paupière au muscle frontal, une section-dénervation bilatérale du releveur de la paupière supérieure et suspension bilatérale des deux paupières au muscle frontal. Le choix de la technique dépend du degré du ptosis, de l'action du releveur et de la syncinésie. Dans le cas d'une syncinésie mineure (inférieure à 2mm), le traitement est celui du ptosis seul, s'il est minime, une abstention thérapeutique est indiquée. Dans les syncinésies modérées (entre 2 et 6mm) ou majeures (supérieure à 6mm), le traitement de la syncinésie consiste en une section-dénervation du releveur de la paupière supérieure associé à une suspension de la paupière au muscle frontal [13,14]. Dans notre cas, une section du muscle releveur de la paupière supérieure avec une suspension au muscle frontal est proposée vue l'importance du ptosis et de la syncinésie.

 

 

Conclusion Up    Down

Le syndrome de Marcus Gunn est une affection rare qui associe un ptosis à des syncinésies mandibulopalpébrale. Il est dû, probablement, à une innervation, erratique, du muscle releveur de la paupière supérieure, par les branches du trijumeau. Il peut être associé à d'autres troubles oculomoteurs ou systémiques. L'amblyopie n'est pas constante vue le caractère intermittent du ptosis. La difficulté de la prise en charge réside dans le choix de la technique opératoire qui va de corriger à la fois le ptosis et la syncinésie et nécessite ainsi un accord entre le chirurgien et le malade.

 

 

Conflits d’intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêt.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont participé à la prise en charge de la patiente et à la rédaction du manuscrit. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: ptosis majeur lors du regard primaire

Figure 2: disparition du ptosis lors de l’ouverture buccale

Figure 3: aspect en postopératoire

 

 

Références Up    Down

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