Home | Volume 21 | Article number 193

Original article

Analyse des attitudes et comportements des médecins et infirmiers en tant que levier stratégique de la gestion des ressources hospitalières

Analyse des attitudes et comportements des médecins et infirmiers en tant que levier stratégique de la gestion des ressources hospitalières

 

Hermès Karemere1,&

 

1Université Catholique de Bukavu, Bukavu, République Démocratique du Congo

 

 

&Auteur correspondant
Hermès Karemere, Université Catholique de Bukavu, Bukavu, République Démocratique du Congo

 

 

Résumé

Introduction: l'étude vise à présenter les données relatives aux attitudes et comportements indésirables auprès des médecins et infirmiers qui, dans un contexte des soins hospitaliers en milieu rural africain, peuvent négativement influencer la qualité des soins offerts aux patients.

 

Méthodes: l'étude est exploratoire. Elle identifie à l'aide d'un guide d'observation des attitudes et comportements inadéquats des médecins et infirmiers à l'hôpital de Katana en RD Congo et analyse leurs causes au travers des entrevues de groupe.

 

Résultats: les attitudes et comportement indésirables concernent 4 à 16 % des médecins et infirmiers. Ils relèvent essentiellement de la malhonnêteté, de l'incompétence, du mauvais comportement relationnel, du faible rendement, de l'indiscipline et de la démotivation. Les causes sont multiples dont 75 % sont associées au dysfonctionnement organisationnel de l'hôpital de Katana.

 

Conclusion: le présent article révèle d'une part que les fréquences les plus élevées des attitudes et comportements inadéquats concernent le comportement relationnel et la discipline et d'autre part, que la majorité des causes des attitudes et comportements inadéquats observés est associée au dysfonctionnement organisationnel de l'hôpital de Katana. L'étude propose au gestionnaire des actions à envisager pour prévenir ou corriger ces attitudes et comportements indésirables.

 

 

Introduction

La qualité des services de santé est largement tributaire de la disponibilité et de la performance des ressources humaines du fait que ces dernières soient au coeur du fonctionnement des systèmes des soins [1]. Le développement des ressources humaines dans le secteur de la santé retient ainsi l'attention de plusieurs acteurs. En effet, les planificateurs, les gestionnaires des établissements des soins et les décideurs politiques s'aperçoivent que les objectifs du millénium pour le développement ne seront pas atteints sans des ressources humaines compétentes et motivées [2]. Aussi, force est de constater que plus de trente ans après la Déclaration de Alma Ata (1978) sur la stratégie des Soins de Santé Primaires , les pays africains en général et la République Démocratique du Congo (RDC) en particulier , se trouvent toujours très éloignés de l'atteinte de l'objectif d'une meilleure santé pour tous. Parmi les facteurs préjudiciables est épinglée l'insuffisance criante en personnel compétent. Pour cela, le développement des ressources humaines en santé a été retenu parmi les axes prioritaires de la stratégie de renforcement du système de santé en RDC [3].

 

Nous nous intéressons à analyser un aspect relatif aux ressources humaines à savoir les attitudes et comportements des médecins et infirmiers en milieu hospitalier, étant donné qu'ils constituent le gros lot des prestataires des soins. Les attitudes et les comportements professionnels font partie d'un système de représentation de qualités et d'agir qui devrait caractériser une personne ayant une appartenance à une profession reconnue, en l'occurrence ici, celle de médecin ou d'infirmier. Selon la définition classique d'Allport une attitude est un état mental de préparation à l'action qui exerce une influence dynamique sur nos comportements [4]. Le comportement est pour l'humain, une manière de se conduire caractérisée par un ensemble de réactions observables en réponse à une stimulation intérieure ou extérieure. C'est une manière d'agir qui constitue la partie observable de nos actions et réactions. Et donc une attitude est une tendance de la personne à poser un jugement ou à faire une action tandis qu'un comportement est une action ou une réaction de la personne à un stimulus donné [5].

 

L'hôpital de Katana, en autogestion et situé en milieu rural au Sud-Kivu en RDC, a été notre terrain d'étude. Nous partons de l'hypothèse que les causes des attitudes et comportements indésirables de certains médecins et infirmiers sont majoritairement liées à l'organisation interne d'un hôpital et que leur analyse offre des perspectives d'amélioration de la qualité des soins.L'objectif de cette étude est d'identifier les attitudes et comportements inadéquats des médecins et infirmiers à l'hôpital de Katana, d'en dégager les causes à la base en vue d'orienter les stratégies de lagestion des ressources humaines.

 

 

Méthodes

Il s'agit d'une étude exploratoire qui s'est déroulée en trois étapes: l'élaboration d'un guide d'observation participante, l'observation proprement dite des attitudes du personnel et l'analyse causale des attitudes et comportements inadéquats identifiés au travers des entretiens de groupe.

 

Élaboration d'un guide d'observation des attitudes et comportements des médecins et des infirmiers

 

La grille d'évaluation individuelle du personnel appliquée à l'hôpital de Katana durant plusieurs années a inspiré l'élaboration du guide d'observation participante. Au travers la grille d'évaluation, les attitudes et comportements désirés chez le personnel sont traduits en cinq dimensions à savoir l'intégrité de l'agent, sa compétence, son sens d'initiative, son rendement et sa discipline. Pour chaque dimension, des critères d'évaluation sont précisés.

 

L'évaluation de l'intégrité analyse l'honnêteté et le sens de responsabilité de l'agent. Dans le volet relatif à l'honnêteté, les évaluateurs désignés vérifient si le médecin ou l'infirmier ne monnaye pas les soins auprès des malades, ne côte pas les élèves en stage de manière subjective, reconnaît ses erreurs, rembourse à temps les prêts qui lui sont accordés par l'hôpital ou privilégie ses intérêts au détriment de ceux de l'hôpital. Dans le volet en lien avec le sens de responsabilité on valide si le médecin ou l'infirmier donne une appréciation objective au personnel sous sa responsabilité, s'intéresse à la bonne marche des services, identifie les causes des problèmes dans les services, fait de bonnes propositions d'amélioration du fonctionnement de tous les services et veille à l'application des solutions dans tous les services.

 

La connaissance du travail est évaluée sous deux aspects ; la connaissance du travail et la capacité d'apprentissage. Les critères varient selon qu'il s'agit du médecin ou de l'infirmier. C'est la manière dont les tâches sont réalisées qui est évaluée à cette étape. Pour le médecin, on vérifie par exemple s'il fait correctement le tour de salle, lit le rapport de garde, fait inscrire les instructions dans un cahier ad hoc, vérifie l'exécution des instructions par les collaborateurs, informe la direction des soins infirmiers en cas d'absence d'amélioration. Pour l'infirmier, on évalue essentiellement s'il exécute de manière satisfaisante les soins infirmiers, par exemple administrer correctement la médication, transcrire les signes vitaux et d'autres informations sur les fiches des patients ou assurer la prévention contre les plaies de pression. On évalue également la participation à la formation et à l'encadrement du personnel et des élèves en stage, la participation à la coordination des activités de l'hôpital et aux différentes réunions. La capacité d'apprentissage est évaluée par le temps mis par l'agent pour assurer l'application des protocoles arrêtés en commun, la bonne exploitation des canevas de supervision des services, la capacité à réaliser seul certains actes médicaux (ponction lombaire en cas de méningite chez l'enfant ou césarienne par exemple) ou infirmiers (administration correcte de la médication ou prévention des escarres par exemple), la capacité de conduire seul une réunion ou une séance de sensibilisation des patients et des membres de famille, la lecture des revues scientifiques traduite par des interventions pertinentes au cours des réunions des médecins ou des infirmiers.

 

L'appréciation du sens de l'initiative valide ou pas le fait que l'agent contribue à régler les conflits du personnel de son service, respecte son horaire de travail, se fait toujours remplacer en cas d'absence (autorisée ou urgente à justifier le lendemain), livre à temps le travail demandé et introduit des innovations approuvées.

 

Le rendement fait référence à la qualité et à la quantité du travail. Par rapport à la qualité, l'agent a une évaluation satisfaisante s'il inscrit toutes les informations utiles sur la fiche de chaque patient,cote objectivement le personnel, constate les accidents liés à l'inattention, utilise rationnellement les médicaments et le matériel mis à sa disposition, vérifie si les prestations et les médicaments ont été facturés et payés. Concernant la quantité l'agent devrait essentiellement voir et régler les problèmes de tous les cas admis pendant la journée, élaborer le rapport d'activités de service, couvrir adéquatement les services en cas d'empêchement d'un collègue, vérifier l'enregistrement de tous les malades hospitalisés dans les registres ad hoc. Enfin la discipline évoque le sens de collaboration, le dévouement, l'assiduité et le comportement. Sur la grille d'évaluation, le sens de collaboration est traduit chez l'agent par l'aide spontanée à un collègue submergé de travail, la bonne entente avec les collègues, le respect de la hiérarchie, la perméabilité aux remarques, la sollicitation d'une retro-information, la correction après une retro-information, la bonne entente avec les autres collaborateurs, la cotation des collaborateurs sur base des critères objectifs, le signalement en cas d'empêchement et la mise à disposition des collaborateurs de toutes les informations utiles. Les critères d'évaluation de l'agent concernant son dévouement vérifient si l'agent accepte de travailler même en dehors des heures structurées, a une grande capacité d'écoute des plaintes des malades, sert les malades sans distinction, effectue des passages réguliers pour vérifier l'état d'un patient particulier en situation critique, a le goût à la profession. L'assiduité est évaluée au travers la ponctualité de l'agent à l'arrivée au travail, la promptitude à réagir aux appels lors de la garde, et la ponctualité lors des réunions ou des séances de formation du personnel. Concernant le comportement, les évaluateurs se rassurent que l'agent ne divulgue pas le secret de délibération, s'excuse en cas d'incompréhension, ne blesse pas les malades par un langage déplacé ou un geste maladroit, n'entretient pas de relations intimes avec les collaborateurs et a un comportement social digne (pas d'ivresse ni de scandale de tout genre).

 

En adaptant la grille d'évaluation individuelle de l'hôpital de Katana, nous avons maintenu les dimensions compétence, rendement et discipline. La dimension intégrité a été remplacée par honnêteté; de même la dimensionsens d'initiative par motivation, termes préférés lors des entrevues de groupe.Nous avons ajouté une nouvelle dimension ; le comportement relationnel de l'agent avec les patients, avec sa hiérarchie, avec les autres membres du personnel, avec ses subalternesetavec lui-même. Nous avons ainsi observé les attitudes et comportements des médecins et infirmiers de l'hôpital de Katana soussix dimensions (honnêteté, compétence, comportement relationnel, discipline dans le travail et niveau de rendement). La Figure 1 en donne l'aperçu.

 

Observationparticipante des attitudes et comportements des médecins et des infirmiers

 

L'observation participante avait été effectuée à l'hôpital de Katana durant un an, entre juin 2000 et mai 2001. L'observation participante fait partie des méthodes qualitatives. Elle permet d´éviter le problème de la différence entre comportement réel et comportement verbal, de mettre au jour des éléments souvent non conscients chez l´observé lui-même (ou très difficiles à faire ressortir seulement par l´intermédiaire de questions), d´identifier des processus qui, si recherchés autrement, ne pourraient se dessiner qu´après une laborieuse et pénible chaîne d´entrevues répétées, et enfin, d´éviter le problème de la capacité de verbalisation de l´observé[6]. Au cours de cette observation participante, chaque comportement anormal était noté dans un registre constitué à cet effet, comprenant la catégorie de l'agent observé, sa fonction, la date, son service et la nature du comportement. Les observations étaient faites à l'insu de l'agent pour minimiser le risque d'influence sur son comportement. Cette technique a été conduite par le chercheur principal, alors médecin directeur de l'hôpital de Katana. Toutes les observations faites ont été confirmées ou rejetées progressivement lors des réunions hebdomadaires de l'équipe de direction de l'hôpital après des vérifications indépendantes par le médecin chef des activités médicales, le directeur du département des soins infirmiers et l'administrateur en charge de la gestion des ressources humaines. Les comportements et attitudes identifiés ont été reliés à l'une des dimensions du guide d'observationqui constituait ainsile cadre de référence de l'étude.

 

Analyse causale au cours de l'entretien de groupes

 

Les causes des attitudes et comportements relevés ont été analysés au travers des entretiens des groupes. Un premier groupe a été constitué par 5 médecins de l'hôpital, le second groupe comprenait 17 infirmiers de la maternité, le troisième groupe était constitué par 4 infirmiers des services de gynécologie et de médecine interne, le quatrième groupe comprenait 16 infirmiers des services de chirurgie et des soins intensifs et le dernier groupe était composé de 10 infirmiers du service de pédiatrie. Au total, 52 agents étaient concernés. En se basant sur les règles et tâches d'animation [7], les entretiens de groupe ont été successivement conduits par le chercheur principal, portant sur les causes des attitudes et comportements inadéquats initialement identifiées. La collecte de l'information a été faite au travers des notes prises par deux stagiaires tout au long de chaque entretien de groupe. L'information a ensuite été transcrite par l'animateur (le chercheur principal) sous forme de synthèses. Ces dernières ont été validées par chacun des groupes. L'unité d'analyse a été constituée par tout paragraphe expliquant l'attitude ou le comportement négatif observé [8]. L'analyse causale de chaque élément a été conduite en profondeur afin d'identifier la cause ultime des attitudes et comportements négatifs enregistrés. Les causes identifiées, justifiant les attitudes comportements négatifs sont théoriques, sous forme d'hypothèses que des études ultérieures pourraient tester en respectant les principes essentiels de la causalité, notamment la régularité des relations entre variables, le contrôle des conditions ambiantes de ces régularités et la construction d'une narration qui rende compte de l'ensemble de régularités conditionnelles [9]. Le taux de concordance entre groupes était important:82 % des causes ont été identifiées séparément par les cinq groupes, 5 % des causes retenues étaient citées par au moins trois groupes et seulement 13 % des causes retenues étaient citées par un ou deux groupes. Afin de mieux définir les actions correctrices, les causes présumées ont enfin été catégorisées en trois: causes institutionnelles, causes non institutionnelles et causes mixtes.

 

 

Résultats

Attitudes et comportements inadéquats identifiés et proportion des agents concernés

Au cours de la période d'étude, des attitudes et comportements inadéquats ont apparu de manière variable et irrégulière auprès des médecins et infirmiers. Ils sont présentés dans le Tableau 1.

 

Causes des attitudes et comportements inadéquats observés

 

L'analyse s'est intéressée aux causes des attitudes et comportements inadéquats observés chez certains membres du personnel en rapport avec l'honnêteté (8% des agents), la compétence (4% des agents), le comportement relationnel (14%), le rendement (7% des agents), la discipline (16% des agents) et la motivation (12% des agents). La Figure 2 présente les principales causes.

 

L'analyse des causes identifiées est renseignée dans le tableau2. Parmi elles,37.5 % sont associées au dysfonctionnement interne de l'hôpital (causes institutionnelles), 25 % sont en lien avec des facteurs externes à l'organisation de l'hôpital (causes non institutionnelles) et 37.5 % sont associés à la fois à des facteurs externes et internes à l'organisation de l'hôpital (causes mixtes) voir Tableau 2.

 

 

Discussion

La présente étude avait pour objectif d'identifier les attitudes et comportements inadéquats des médecins et infirmiers à l'hôpital de Katana, d'en dégager les causes à la base en vue d'orienter les stratégies de la gestion des ressources humaines. Les principales limites méthodologiques sont la difficulté temporelle à vérifier les causes évoquées comme étant à la base des attitudes et comportements inadéquats et à décrire les caractéristiques des agents ayant manifestés ces attitudes et comportements. La validation par d'autres acteurs des attitudes et comportements observés ainsi que le taux de concordance élevé entre les groupes lors de l'analyse causale attestent de la robustesse au niveau de la fiabilité et de la validité des méthodes utilisées.

 

En considérant les dimensions du cadre théorique de l'étude (Tableau 1), les attitudes et comportements inadéquats sont observés chez moins de 20 % des agents par dimension analysée (4 % à 16 %). Ces résultats suggèrent d'une part qu'au moins 84 % des médecins et infirmiers de l'hôpital de Katana affichent des attitudes et comportements satisfaisants par dimension étudiée et que d'autre part, la qualité des soins pourrait être compromise par les attitudes et comportements inadéquats observés chez moins de 16 % du personnel soignant par dimension analysée. Aussi, des facteurs internes à l'hôpital sont mis en cause dans 75 % des cas, même si dans 37.5 % des cas, des facteurs externes leur sont associés. Des actions peuvent ainsi être entreprises au niveau de l'hôpital sans attendre nécessairement des ressources externes. Dans les paragraphes qui suivent, nous discutons essentiellement les causes des attitudes et comportements indésirables identifiés et proposons des actions susceptibles de les prévenir, voire de les corriger.

 

Que retenir des principales causes des attitudes et comportements indésirables auprès des médecins et infirmiers ?

 

Salaires faibles: le salaire peut paraître faible si les dépenses de l'agent dépassent son revenu mais le salaire peut effectivement être faible lorsqu'il ne couvre pas les besoins prioritaires de l'agent comme c'est le cas dans la majorité des hôpitaux en RDC. Cette dernière situation a été aggravée avec les guerres dites de libération qu' a connu la RD Congo [10]. Pour faire face à leurs obligations financières certains membres du personnel, faiblement rémunérés, s'adonnent au détournement de l'argent payé par les malades ou au vol des médicaments ou de l'équipement médical. La faiblesse des salaires résulte également et de façon importante de la participation insignifiante de l'État dans le budget de l'hôpital, des recettes faibles à la suite des tarifs bas, d'un faible recouvrement des coûts lorsque certaines prestations ne sont pas signalées sur les fiches des malades et ne sont donc pas facturées ou lorsque les dettes ne sont pas payées par les patients.La faiblesse des salaires pourrait être due à des dépenses exagérées car non planifiées ou non prioritaires et joue un rôle défavorable sur la performance des prestataires des soins [11]. Dans tous les cas, l'absence d'outils de gestion rigoureuse d'une part et la pauvreté de la population jouent en amont un rôle considérable.

 

Consignes imprécises: des recommandations mal formulées, floues, laissent au personnel des interprétations variées pouvant conduire à des pratiques ou des attitudes subversives[12]. En dehors de certains règlements, des consignes imprécises peuvent être formulées au cours d'une supervision inefficace des services, soit irrégulière soit n'exploitant pas le canevas de supervision. Il est évident que la supervision irrégulière des services est causée par une organisation inefficiente du travail au sein de l'hôpital.

 

Impunité et injustice: elles dénotent une administration inefficace due soit au fait que les responsables ne sont pas supervisés et se croient tout permis (y compris l'injustice et l'impunité) soit que la formation continue des administrateurs n'est pas assurée pour leur permettre de garder frais à l'esprit les procédures relatives à la gestion du personnel. L'inexistence de la formation continue peut être expliquée par une organisation inefficiente du travail (qui ne prévoit pas cette formation) ou par des ressources financières limitées ne donnant pas accès à la formation.

 

Non prise en compte des doléances du personnel: à la suite des représentants du personnel inefficaces ( syndicat) qui n'expriment pas objectivement les doléances ou à cause d'un manque de transparence des autorités qui n'avouent pas clairement les raisons motivant certaines décisions qu'elles prennent par peur de blesser des susceptibilités ou par inexistence d'un plan de carrière. L'inefficacité du syndicat dans ce cas peut se justifier par un mauvais recrutement des syndicalistes, la faible collaboration du personnel ou le fait que le syndicat ne joue pas le rôle d'interface entre la direction de l'hôpital et le personnel.

 

Mauvais recrutement: en n'appliquant pas la procédure officielle de recrutement (par favoritisme ou à la suite d'une pression des autorités politiques), l'hôpital engage une personne mal formée au départ. Un comité de gestion complaisant ne pourrait que difficilement prévenir le favoritisme qu'afficheraient les responsables de l'hôpital alors conscients de ne pas être supervisés. Aussi, une administration inefficace ne veillera que par hasard à l'application des procédures, y compris celles relatives au recrutement.

 

Absence de formation continue de qualité: par indisponibilité des formateurs (surchargés de travail), par absences justifiées ou non des sujets à former (maladie, deuil, mariage, congé ordinaire ou de maternité), par insuffisance de ressources (documentation inaccessible ou inadaptée, budget insuffisant pour organiser la formation) ou simplement parce que les thèmes de formation ne correspondent pas aux déficiences à corriger et cela soit à cause d'une supervision inefficace des services soit à cause d'une mauvaise analyse des données épidémiologiques, financières et autres (par manque de formation initiale sur l'analyse des données , par mauvaise collecte des données).

 

Désintérêt pour la formation continue: il est expliqué par le mauvais choix des thèmes de formation évoquée plus haut, la non valorisation du travail de certains membres du personnel, la fin de carrière pour certains ou le plafonnement dans la carrière conférant le sentiment de n'avoir plus rien à apprendre. Il est évident que les professionnels de la santé ne se rendent pas compte de leurs lacunes aussi longtemps qu'ils n'ont pas d'occasion de se comparer à d'autres exerçant les mêmes tâches qu'eux dans d'autres institutions.

 

Mauvaise éducation de base: des écoles désorganisées, l'absence des manuels scolaires, l'insuffisance de l'évaluation et du suivi pédagogique des enseignants [13] et les mauvaises conditions de vie de l'agent durant son enfance sont autant de facteurs pouvant influencer négativement son éducation de base et engendrer chez lui un mauvais comportement ultérieur.

 

Chefs non exemplaires: par le fait qu'ils ne respectent pas le règlement, qu'ils appliquent un favoritisme ou qu'ils abusent du pouvoir. Ils y arrivent lorsque l'appareil administratif néglige le suivi des procédures, lorsqu'au départ ils n'ont pas été initiés au poste de responsabilité, ne sont pas évalués ni supervisés régulièrement, ignorent le canevas de supervision ou subissent la pression sociale (parents, amis, membres de famille qui sollicitent souvent des faveurs et largesses à l'encontre des règlements).

 

Absence des règles connues qui régissent les relations entre les travailleurs: par négligence administrative (qui ne publie pas et encore moins n'explique pas au personnel le code de conduite au travail, n'assure pas le suivi des relations entre les personnes et finalement ne sanctionne pas les manquements).

 

Non prise en compte des contraintes par le personnel et/ou par les responsables: un manque de dialogue entre employeur et employés peut entretenir des malentendus sur certaines questions, notamment des difficultés à payer à temps ou en totalité des salaires, la suppression de certains avantages du personnel sans aucune explication préalable. Ces faits peuvent générer des comportements inadéquats chez le personnel. Cela survient souvent lorsqu'on néglige la tenue des assemblées générales (un des cadres de concertation avec le personnel) et qu'on applique des décisions où le personnel n'a pas participé. Toutes fois , quoique consulté, le personnel ou très rarement la direction de l'hôpital peut afficher une mauvaise volonté devant certaines situations.( ex : sanctionner un sujet pour retard quand il a d'abord conduit son enfant malade au centre de santé et n'ayant pas eu la possibilité de prévenir ; faire la grève pour payement partiel des salaires en situation de recouvrement difficile ou encore réclamer une majoration salariale pendant que l'hôpital n'arrive pas à payer correctement des salaires ordinaires).

 

Mauvaise gestion de temps: par absence d'horaire de travail (des tâches sont exécutées à tout hasard avec risque de ne pas accomplir parfois celles essentielles), par bavardage aux heures de service entretenu par l'absence de sanction (impunité), un suivi déficient du personnel et donc une négligence administrative.

 

Matériel en panne: ce facteur est à la base d'un faible rendement dans le secteur où il est utilisé (ex : un échographe ou un aspirateur en panne). La panne peut résulter d'un manque de maintenance des équipements, de leur mauvais usage ou de la non maîtrise par les utilisateurs des différents modes d'emploi qu'ils négligent de lire ou qu'ils ne possèdent pas. Naturellement, un plan de maintenance du matériel médical et informatique complet et bien expliqué aux utilisateurs préviendrait à juste titre le mauvais usage de ce matériel.

 

Prescriptions médicales inadaptées: parfois observées, ces prescriptions soit fantaisistes, soit exagérées peuvent être à l'origine d'un faible rendement du médecin car le malade qui devait être bien traité dès la première consultation risque de revenir plusieurs fois, faisant perdre le temps et les ressources.

 

Organisation inefficiente du travail: l'affectation par exemple de 10 infirmiers en médecine interne pour 10 malades pendant toute une journée dénote un gaspillage des ressources.

 

Surcharge du travail: ce facteur constitue bien souvent une cause d'un faible rendement qualitatif du personnel.

 

Matériel non utilisé: par ignorance des modes d'emploi ou par manque d'intérêt à l'innovation technologique.

 

Impunité: un travailleur indiscipliné persévèrera dans sa conduite dès lors qu'il reste impuni et risque d'influencer les autres au détriment de l'institution. L'impunité relève d'une défaillance administrative notamment l'absence de suivi ou d'instructions précises.

 

Chefs non exemplaires: en entretenant le favoritisme, en abusant du pouvoir, en ne respectant pas le règlement, les chefs peuvent freiner le zèle chez certains membres du personnel et les pousser à l'indiscipline. Devenir exemplaire passe par l'apprentissage, l'initiation à l'exercice des responsabilités et de la gestion des pressions sociales évoquées plus haut.

 

Absence d'esprit d'équipe: elle peut être consécutive à une crise de confiance à l'égard des collaborateurs indiscrets, à l'incompétence(de peur d'être découvert incompétent), à l'orgueil ( on se surestime et on se croit meilleur que les autres) ,à la non collaboration des autres (parce que leur avis n'est pas pris en compte ou ils ne participent pas à la prise de décision), à la jalousie ( manque de transparence, nominations arbitraires, partialité dans les récompenses).

 

Gestion insuffisante du personnel: elle survient lorsque le gestionnaire néglige le travail, lorsqu'il est démotivé à son tour, lorsqu'il n'est pas supervisé ni évalué, ou lorsqu'il n'est pas recyclé.

 

Non avancement dans la carrière: l'avancement du personnel est souvent reporté à plus tard car les moyens d'accompagnement ne sont pas disponibles. Le non avancement dans d'autres situations serait dû à l'évaluation irrégulière du personnel ou simplement à l'inexistence d'un plan de carrière.

 

Salaires supérieurs ailleurs pour le même travail ou la même compétence: ce facteur est démotivant et est dû au fait qu'il n'y a pas de réglementation en matière de salaires ; aussi des organisations suffisamment financées essayent de tenir compte du panier de la ménagère pour fixer des barèmes salariaux, ce que ne peuvent pas faire d'autres institutions et notamment l'hôpital de Katana qui réalise de faibles recettes.

 

Les connaissances, attitudes et pratiques observées chez certains membres du personnel ont donc plusieurs causes dont certaines sont vulnérables. Ceci nous amène à des propositions des actions correctrices.

 

Quelques actions susceptibles d'améliorer les attitudes et comportements des médecins et infirmiers à l'hôpital de Katana.

 

Dans le contexte de l'hôpital de Katana, la prévention de la malhonnêteté auprès des médecins et infirmiers qui y travaillent passent par l'amélioration des salaires (en maximisant les recettes et en réduisant les dépenses); des supervisions efficaces des services hospitaliers (à l'aide d'un processus et des ressources adéquats); la prise en compte des doléances du personnel (exprimées de manière ouvertes lors des réunions avec le personnel ou de manière informelle au travers par exemple les boîtes à suggestions); une gestion transparente des ressources (impliquant entre autres la présentation régulière au personnel de la situation relative aux finances, au personnel, aux médicaments et consommables) et la supervision des superviseurs. L'amélioration de la compétence des médecins et des infirmiers nécessite que le processus de recrutement respecte les critères définis dans les procédures (dont une certaine expérience); que la formation continue de qualité soit assurée pour le maintien des connaissances théoriques; que le personnel soit motivé; que des opportunités de développement soient offertes et que l'environnement soit propice pour la valorisation du travail réalisé et la prise de conscience par l'agent de ses lacunes [14]. Pour y parvenir, certaines actions pourraient être envisagées, par exemple l'élaboration d'un programme de stage et d'encadrement pour les nouveaux médecins et infirmiers; la mise en place d'une bibliothèque médicale avec des revues papiers et électroniques récents; l'instauration d'un caractère obligatoire de consultation des revues scientifiques; l'abonnement à des revues de santé publique, de médecine générale et des soins infirmiers; l'organisation des ateliers et séminaires; l'octroi des bourses aux plus méritants pour des stages de perfectionnement ou des formations modulaires. Concernant le comportement relationnel, il sera amélioré en affichant de la promptitude et de la gentillesse à l'égard des patients lors de leur accueil; en vulgarisant le code de bonne conduite au travail; en mettant en place des boîtes à suggestions et d'autres cadres de dialogue avec le personnel en vue de partager les contraintes et d'identifier les doléances des agents. L'amélioration du rendement passe par le suivi de l'exécution des tâches du personnel [15], l'affichage des horaires de travail des cadres, l'application des consignes, la surveillance de la consommation des médicaments, l'élaboration d'un plan de maintenance des équipements, l'élaboration et l'exécution d'un calendrier des réunions, le respect de l'horaire de travail et la supervision efficace des services cliniques et para cliniques. Une administration efficace et la promotion d'un travail en équipe favoriseraient de la discipline et du zèle auprès du personnel. Des actions à mener sont notamment la vulgarisation des différents règlements relatifs à la gestion du personnel (barème des sanctions, codes du travail et de bonne conduite); l'élaboration des outils d'une meilleure gestion des ressources; l'application des procédures avec justice et équité; l'évaluation des équipes et l'application des sanctions (réprimander ou féliciter les agents). Enfin, en plus de gérer correctement le personnel, de valoriser son travail et d'assurer son avancement dans la carrière, toutes les actions précédentes contribueront à motiver le personnel afin d'espérer des attitudes et comportements adéquats.

 

 

Conclusion

Des attitudes et comportements indésirables peuvent être observés chez des médecins et des infirmiers au sein des établissements des soins et compromettre la réputation de l'établissement, voire la qualité des soins qui y sont offerts. L'identification de ces attitudes et comportements au travers une observation participante et leur analyse causale au travers des entrevues de groupe est ici proposée comme une approche de renforcer la gestion des ressources humaines dans le but sublime d'améliorer la qualité des soins. Le présent article révèle d'une part que les fréquences les plus élevées des attitudes et comportements inadéquats concernent le comportement relationnel et la discipline et d'autre part, que la majorité des causes des attitudes et comportements inadéquats observés est associée au dysfonctionnement organisationnel de l'hôpital de Katana. L'étude propose au gestionnaire des actions à envisager pour prévenir ou corriger ces attitudes et comportements indésirables.

 

 

Conflits d’intérêts

L'auteur déclare ne pas avoir de conflit d'intérêt.

 

 

Contributions des auteurs

L'auteur déclare avoir lu la version finale du manuscrit.

 

 

Tableaux et figures

Tableau 1: attitudes et comportements indésirables chez des médecins et infirmiers en milieu hospitalier

Tableau 2: nature des causes des attitudes et comportements indésirables chez les médecins et infirmiers

Figure 1: aperçu du guide d’observation des attitudes et comportements des médecins et infirmiers en milieu hospitalier

Figure 2: principales causes des attitudes et comportements inadéquats

 

 

Références

  1. Dussault G, Dubois C-A. Human resources for health policies: a critical component in health policies. Human resources for health. 2003;1(1):1. PubMed | Google Scholar

  2. Dieleman M, Gerretsen B, van der Wilt GJ. Human resource management interventions to improve health workers' performance in low and middle income countries: a realist review. Health Res Policy Syst. 2009;7(7). PubMed | Google Scholar

  3. RDCONGO. Stratégie de renforcement du systeme de santé. République Démocratique du Congo, ministère de la Sante, secrétariat général. 2006. Google Scholar

  4. Allport GW. Attitudes, in Handbook of social psychology, edited by C Murchison. Worcester, MA: Clark Univ Press 1935; 798–844. Google Scholar

  5. Phaneuf M. Quelques repères pour évaluer les attitudes et les comportements professionnels en soins infirmiers. Infiressources. 2012. Google Scholar

  6. Aktouf O. Méthodologie des sciences sociales et approche qualitative des organisations. Presses de l'Université du Québec. 1987. Google Scholar

  7. Guillemette F, Luckerhoff J, Guillemette M. Quand le chercheur devient animateur. Recherches qualitatives. 2011;29(3):193-7. PubMed | Google Scholar

  8. Baribeau C. Analyse des données des entretiens de groupe. Recherches qualitatives. 2009;28(1):133-48. PubMed | Google Scholar

  9. Bernard P. Cause perdue? Le pouvoir heuristique de l'analyse causale. Sociologie et sociétés. 1993;25(2):171-89. PubMed | Google Scholar

  10. Karemere Bimana H. Gouvernance hospitalière adaptative en contexte changeant: étude des hôpitaux de Bunia, Logo et Katana en République démocratique du Congo (Thesis): UCL; 2013. Google Scholar

  11. Rowe AK, de Savigny D, Lanata CF, Victora CG. How can we achieve and maintain high-quality performance of health workers in low-resource settings? The Lancet. 2005;366(9490):1026-35. PubMed | Google Scholar

  12. Quine S. Health concerns and expectations of Anglo and ethnic older Australians: A comparative approach. Journal of Cross-Cultural Gerontology. 1999;14(2):97-111. PubMed | Google Scholar

  13. Suchaut B, editor La qualité de l'éducation de base en Afrique francophone: contexte, constat et facteurs d'efficacité. L'éducation, fondement du développement durable en Afrique, sous la direction de Pierre Bauchet et Paul Germain Actes du colloque organisé sous l'égide de l'Académie des sciences morales et politiques, Fondation SingerPolignac, 7 novembre 2002; 2003. Google Scholar

  14. Khomeiran RT, Yekta Z, Kiger A, Ahmadi F. Professional competence: factors described by nurses as influencing their development. International Nursing Review. 2006;53(1):66-72. PubMed | Google Scholar

  15. Hernández AR, Hurtig A-K, Dahlblom K, San Sebastián M. More than a checklist: a realist evaluation of supervision of mid-level health workers in rural Guatemala. BMC health services research. 2014;14(1):112. PubMed | Google Scholar