Home | Volume 21 | Article number 169

Original article

Bloc auriculo-ventriculaire complet cortico-sensible au cours d’une maladie de Horton

Bloc auriculo-ventriculaire complet cortico-sensible au cours d’une maladie de Horton

 

Salem Bouomrani1,&, Hanène Nouma1, Alaeddine Slama1, Maher Béji1

 

1Service de Médecine Interne, Hôpital Militaire de Gabes, 6000 Gabes, Tunisie

 

 

&Auteur correspondant
Salem Bouomrani, Service de Médecine Interne, Hôpital Militaire de Gabes, 6000 Gabes, Tunisie

 

 

Résumé

La maladie de Horton (MH) est une vascularite granulomateuse des gros vaisseaux du sujet âgé. L'atteinte cardiaque reste exceptionnelle au cours de cette affection et est souvent la conséquence de l'aortite inflammatoire. Nous rapportons une observation exceptionnelle de bloc auriculo-ventriculaire (BAV) complet associée à une poussée de cette vascularite et discutons ses différents mécanismes pathogéniques plausibles. Il s'agit d'une patiente âgée de 68 ans traitée pour une MH confirmée par la biopsie temporale depuis dix mois et fût hospitalisée pour dyspnée aigue et syncopes à deux reprises. L'examen somatique était sans anomalies hormis une fréquence cardiaque à 45 bpm. La radiographie de thorax était normale. L'électrocardiogramme (ECG) objectivait un BAV complet. L'enregistrement de l'ECG endocavitaire montrait une onde H élargie compatible avec un bloc intra Hissien. Sa maladie de Horton était en poussée avec une aortite évolutive attestée par l'angio-scanner X thoracique. Le bilan étiologique de ce BAV était négatif. L'évolution était favorable sous corticothérapie systémique à raison de 0.7 mg/kg/j initiée par trois boli de méthylprednisolone avec retour au rythme sinusal et absence de récidive à dix-huit mois de recul. Notre observation est, à notre connaissance, la première rapportant un BAV complet au cours de la MH. Nous avançons comme mécanisme possible une vascularite des vasa vasorum du tissu nodal.

 

 

Introduction

La maladie de Horton (MH) est une vascularite granulomateuse primitive des gros vaisseaux à prédominance céphalique du sujet âgé. L'atteinte cardiaque reste exceptionnelle au cours de cette affection [1,2] et est souvent la conséquence de l'aortite inflammatoire [3,4]. Nous rapportons une observation originale de complication cardiaque possible de cette vascularite (bloc auriculo-ventriculaire (BAV) complet concomitant d'une poussée de la maladie), qui a notre connaissance n'a pas était rapportée auparavant, et discutons ses différents mécanismes pathogéniques plausibles.

 

 

Patient et observation

Patiente âgée de 68 ans traitée pour une MH depuis dix mois fût hospitalisée pour dyspnée aigue et syncope à deux reprises. Le diagnostic de la MH était retenu devant l'association de céphalées bitemporales résistantes aux traitements symptomatiques à une polyarthrite séronégative non déformante (arthrite bilatérale et symétrique des deux poignets, et des petites articulations des deux mains avec des radiographies normales et un facteur rhumatoïde ainsi que des anticorps anti nucléaires et anti-CCP négatifs), une pseudo-polyarthrite rhizomélique, une vitesse de sédimentation (VS) élevée à 100mm/H1 et une biopsie positive de l'artère temporale gauche montrant une artérite granulomateuse à cellules géantes avec rupture de la limitante élastique interne. Elle a été traitée par corticoïdes per os à la dose initiale de 0.7 mg/kg/j pendant six semaines suivie d'une décroissance progressive jusqu'à une dose d'entretien de 10 mg/j, associées à 250 mg/j d'acide salicylé comme antiagrégant plaquettaire à titre préventif. La recherche des anticorps anti phospholipides associés était négative.

L'examen somatique était sans anomalies. La pression artérielle était à 100/80 mmHg et la fréquence cardiaque à 45 bpm. La radiographie standard de thorax était normale. L'électrocardiogramme (ECG) objectivait un bloc auriculo-ventriculaire (BAV) complet à QRS fins. La biologie simple (NFS, glycémie, ionogramme sanguin, calcémie, phosphorémie, créatinine sanguine, cholestérol total, triglycérides, transaminases, et TSH) était dans les limites de la normale. L'enregistrement de l'ECG endocavitaire montrait une onde H élargie compatible avec un bloc intra Hissien. Le bilan étiologique de ce BAV était négatif; en particulier une échographie cardiaque sans anomalies (pas de dysfonction ventriculaire gauche, pas de valvulopathies significatives ni de végétations valvulaires ou endocardiques. Il n'a pas été objectivé en plus ni tumeurs ni malformations cardiaques), enzymes musculaires cardiaques (CPK, ASAT, LDH et Troponine Ic) non modifiées, des hémocultures négatives, des antistreptolysines O et antistreptodornases B négatives, un bilan immunologique négatif (anticorps anti nucléaires, anti-DNA natif, anti antigènes solubles, anti-cardiolipine, anti-β2GP1, facteur rhumatoïde, anticorps anti-CCP, anti cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) de spécificité anti-MPO et anti-PR3). La tomodensitométrie thoracique n'objectivait pas d'anomalies cardiaques ni pulmonaires parenchymateuses; elle montrait par ailleurs l'aspect d'une aortite active au niveau de l'aorte ascendante. Le coro-scann ne montrait pas d'anomalies significatives des artères coronaires. L'IRM cardiaque n'a pas pu être réalisée vue que la patiente était clostrophobe. La maladie de Lenègre était écartée vu l'absence d'élargissement des complexes QRS sur l'ECG et il n'a pas été noté de prise médicamenteuse susceptible d'induire un tel trouble de la conduction ni de cas similaires dans la famille.

Une rechute de sa vascularite sous jacente était aussi suspectée devant la notion de reprise des céphalées, la VS élevée à 120 mm/H1 avec une enquête infectieuse et tumorale négative, et l'aspect de l'aortite évolutive sur le scanner thoracique (à noter que l'aorte était d'aspect normal sur le scanner X fait au moment du diagnostic initial de la MH). L'échographie-doppler des artères temporales montrait l'existence d'un halo clair bilatéral témoin de l'artérite évolutive. La reprise de la biopsie temporale était refusée par la patiente.

Devant l'intolérance hémodynamique secondaire et la non réponse à l'atropine, la conduite thérapeutique était de proposer la mise en place d'un pacemaker définitif de type DDDR avec la reprise de la corticothérapie systémique per os à raison de 0.7 mg/kg/j initiée par des boli de méthylprednisolne (1g/j pendant trois jours de suite), pour la poussée de la vascularite temporale. Les suites étaient très favorables avec les boli de corticoïdes : amélioration rapide de la dyspnée et de la gêne thoracique, amélioration de la fréquence cardiaque passant à 65/min le premier jour puis à 80/min le deuxième jour avec un retour au rythme sinusal régulier sans aucune anomalie de la conduction. La pose du pacemaker était de ce fait récusée. Le recul actuel est de dix-huit mois sans récidive d'anomalies de la conduction cardiaque. Le scanner X thoracique à six mois de contrôle montrait une aorte de calibre normale avec disparition des signes de l'inflammation aortique.

 

 

Discussion

Malgré le sur-risque significatif des accidents cardiovasculaires liés à la MH actuellement prouvé [2], les complications cardiaques ne sont que rarement rapportées au cours de cette vascularite. Il s'agit classiquement d'anévrysmes ou de dissection de l'aorte [3,4] et de coronarite avec infarctus du myocarde [5,6]. Plus rares sont les myocardites [7], péricardites [8-10] ou les myopéricardites [11]. La mort subite est aussi exceptionnellement signalée [5]. Notre observation est, à notre connaissance, la première rapportant un BAV au cours de la MH.

Nous avançons comme mécanisme possible une vascularite des vasa vasorum du tissu nodal. En effet l'atteinte des petits vaisseaux est décrite au cours de cette angéite systémique typiquement dite de gros troncs artériels [5]. Cette hypothèse se trouve renforcée par l'association d'autres signes systémiques de vascularite (céphalées, VS élevée, aortite inflammatoire active et atteinte de l'artère temporale à l'échographie), la négativité du bilan étiologique de ce BAV et la régression complète de ce trouble de la conduction sous corticothérapie systémique à fortes doses.

Ailleurs, de rares cas de BAV ont été rapportés dans d'autres vascularites systémiques tels que la périartérite noueuse [12], la maladie de Wegener [13] et le purpura de Schoënlein-Henoch [14]; le mécanisme prouvé était celui d'une vascularite nécrosante du tissu nodal [12]. Le cas de BAV de Elikowski W et al. au cours de la granulomatose de Wegener était associé à une pseudo-polyarthrite rhizomélique [13] rappelant un peu notre cas (vascularite systémique granulomateuse avec BAV complet et pseudo-polyarthrite rhizomélique). De même un cas de BAV révélateurs d'une maladie de Takayasu a été rapporté chez un enfant de onze ans [15]. Cette observation peut aussi être assimilée à la notre puisque la maladie de Takayasu se classe au même titre que la maladie de Horton dans le groupe des vascularites systémiques des vaisseaux de gros calibre avec plusieurs similitudes cliniques et histologiques.

La myocardite, une autre complication cardiaque exceptionnelle au cours de la maladie de Horton [7], peut aussi contribuer à la genèse du BAV qui est reconnu en être un signe clinique possible [16].

 

 

Conclusion

Il s'agit de l'observation d'une patiente atteinte d'une artérite à cellules géantes à BAT positive et qui présente de façon concomitante d'une reprise évolutive de sa maladie, un BAV complet. Bien que la relation de cause à effet entre la vascularite et les lésions du tissu nodal soit certainement difficilement démontrable, l'hypothèse d'un lien direct entre le BAV et une vascularite de micro vaisseaux rentrant dans le cadre de la HM se trouve ici une hypothèse très plausible. Les arguments renforçant cette imputabilité sont: l'association à une poussée évolutive de la maladie, la négativité du bilan étiologique du trouble de la conduction, sa régression complète sous corticothérapie systémique et l'existence dans la littérature de cas similaires de BAV dans le cadre de vascularites systémiques avec une atteinte histologiquement prouvée du tissu nodal. Ainsi sur le plan théorique, la MH pourrait se compliquer de BAV via une vascularite du tissu nodal ou bien une myocardiopathie sévère. Cette complication inhabituelle mérite d'être connue et une surveillance cardiaque particulière parait utile chez tout patient ayant une vascularite temporale, surtout dans les formes actives.

 

 

Conflits d’intérêts

Les auteurs ne déclrent aucun conflit d’'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs

Dr Salem Bouomrani a rédigé le manuscrit. Tous les auteurs ont contribué a la prise en charge du patient (diagnostic clinique, explorations radiologiques et prise en charge thérapeutique).

 

 

Références

  1. Knockaert DC. Cardiac involvement in systemic inflammatory diseases. Eur Heart J. 2007;28(15):1797-804. PubMed | Google Scholar

  2. Le Page L, Duhaut P, Seydoux D, Bosshard S, Ecochard R, Abbas F, Pétigny V, Cevallos R, Smail A, Salle V, Chatelain D, Loire R, Pellet H, Piette JC, Ducroix JP et l'ensemble des participants de l'étude GRACG (groupe de recherche sur l'artérite à cellules géantes), sous l'égide de la Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Incidence of cardiovascular events in giant cell arteritis: preliminary results of a prospective double cohort study (GRACG). Rev Med Interne. 2006;27(2):98-105. PubMed | Google Scholar

  3. Graffin B, Sauvet F, Crémades S, Leyral G, Jego C, Chemsi M, Paris JF, Carli P. Dissection aortique au cours de la maladie de Horton. Rev Méd Interne. 2004;25(11): 837-839. PubMed | Google Scholar

  4. Gonzalez-Gay MA, Garcia-Porrua C, Pineiro A, Pego-Reigosa R, Llorca J, Hunder GG. Aortic aneurysm and dissection in patients with biopsy-proven giant cell arteritis from northwestern Spain: a population-based study. Medicine. 2004;83(6):335-341. PubMed | Google Scholar

  5. Wenger M, Schneider J. Sudden cardiac death in giant cell arteriti. Vasa. 1996;25(4):373-7. PubMed | Google Scholar

  6. Bahlas S, Remus-Ramos C, Davis P. Clinical outcome of 149 patients with polymyalgia rheumatica and giant cell arteritis. J Rheumatol. 1998;25(1):99-104. PubMed | Google Scholar

  7. Pugnet G, Sailler L, Vernet J, Astudillo L, Dumonteil N, Couret B, Arlet P. Myocardite aiguë : une présentation exceptionnelle de maladie de Horton. Rev Med Interne. 2009;30(Suppl 4): S446-S44. PubMed | Google Scholar

  8. Cambon A, Martin AC, Carmoi T, Lecoules S, Algayres JP. Péricardite révélant une maladie de Horton: à propos de 2 cas, apports du TEP-scanner. Rev Med Interne. 2012;33(Suppl 1): S165. PubMed | Google Scholar

  9. Graffin B, Crémades S, Jego C, Chemsi M, Paris JF, Carli P. La péricardite: Manifestation rare au cours d'une maladie de Horton. Rev Med Interne. 2003;24(Suppl 1): 99s. PubMed | Google Scholar

  10. Guindon A, Rossi P, Bagneres D, Aissi K, Demoux AL, Bonin-Guillaume S, Cloarec N, Giraud F, Timponne S, Le Dolley Y, Fenerol M, Dales JP, Frances Y, Granel B. La péricardite : une manifestation de la maladie de Horton. Rev Med Interne. 2007;28(5):326-331. PubMed | Google Scholar

  11. Teixeira A, Capitaine E, Congy F, Herson S, Cherin P. Atteinte myopéricardique au cours de la maladie de Horton. Rev Med Interne. 2003;24(3):189-194. PubMed | Google Scholar

  12. Rouget JP, Montreuil G, Vaneecloo FM, Dewailly P, Jaillard J.Necrotizing angiitis after serous otitis: 2 cases. Sem Hop. 1983;59(3):160-6. PubMed | Google Scholar

  13. Elikowski W, Baszko A, Puszczewicz M, Stachura E. Complete heart block due to Wegener's granulomatosis: a case report and literature review. Kardiol Pol. 2006;64(6):622-7. PubMed | Google Scholar

  14. Güven H, Ozhan B, Bakiler AR, Salar K, Kozan M, Bilgin S. A case of Henoch-Schönlein purpura and rheumatic carditis with complete atrioventricular block. Eur J Pediatr. 2006;165(6):395-7. PubMed | Google Scholar

  15. Fein DM, Janow G, Avner JR, Fagan MJ. The heart of the matter: an atypical presentation of Takayasu arteritis in the Pediatric Emergency Department. Pediatr Emerg Care. 2011;27(9):857-9. PubMed | Google Scholar

  16. Fellahi JL, Dumazer P, Delayance S, Vernier I, Conte JJ. Cardiomyopathy under treatment with hydroxychloroquine disclosed by complete auriculoventricular block. Rev Med Interne. 1993;14(4):275-6. PubMed | Google Scholar