Home | Volume 13 | Article number 71

Original article

La grossesse extra-utérine dans une région semi-rurale en Afrique: Aspects épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques à propos d’une série de 74 cas traités à l’Hôpital de District de Sangmelima au Sud-Cameroun

La grossesse extra-utérine dans une région semi-rurale en Afrique, aspects épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques: à propos d’une série de 74 cas traités à l’Hôpital de District de Sangmelima au Sud-Cameroun

 

Bruno Kenfack1,&, Michel Noubom1, Adamo Bongoe, 2, Faustin Atemkeng Tsatedem1, Modeste Ngono3, Georges Nguefack Tsague4, Emile Mboudou4

 

1Département des Sciences Biomédicales, Faculté des Sciences Université de Dschang, Cameroun. Hôpital de District de Dschang, Cameroun, 2Hôpital Régional d’Edéa, Cameroun, 3Hôpital de District de Logbaba, Douala, Cameroun, 4Faculté de Médecine et des Sciences Biomédicales, Université de Yaoundé I, Cameroun

 

 

&Auteur correspondant
Dr Kenfack Bruno, Université de Dschang, Département des Sciences Biomédicales BP 67, Dschang, Cameroun

 

 

Aux éditeurs du Journal Panafricain de Médecine

La grossesse extra-utérine (GEU) constitue une cause fréquente de morbidité et parfois de mortalité chez les femmes en âge de procréation. Son étiologie reste incertaine, mais on note une association avec les infections pelviennes et certaines techniques de traitement de l'infertilité [2,3]. Son diagnostic est souvent difficile, et elle est l'une des rares pathologies dont la prise en charge est très diversifiée [3,4]. C'est dans le but d'étudier ces aspects que ce travail a été entrepris à Sangmelima au Sud-Cameroun, qui est aussi situé en zone reconnue d'hypofertilité [5].

 

Il s'agit d'une étude descriptive transversale sur une durée de trois ans, de Juillet 2005 à Juin 2008, à l'Hôpital de District de Sangmelima dans le Sud-Cameroun, sur un total de 74 patientes recrutées de façon consécutive. Le matériel utilisé était constitué des dossiers de malades, d'une fiche anonyme de collecte des données et du registre des comptes rendus opératoires. Le diagnostic était clinique ou échographique, avec une sonde sus pubienne de 3,5Mhz. Parfois l'association des ultrasons au dosage qualitatif des βHCG était nécessaire. Le traitement était d'emblé chirurgical en cas de rupture avec hémopéritoine ou d'un hématosalpinx supérieur à 3 centimètres. Le traitement médical était réservé uniquement aux GEU pauci ou asymptomatiques, sans hémopéritoine. Pendant l'opération, nous avons considéré comme annexe pathologique une occlusion tubaire, un aspect de tuba errecta, des nodosités intra-tubaires à la palpation, une localisation sous adhérentielle de la trompe ou un antécédent d'annexectomie.

 

En trois ans, nous avons enregistré 74 cas de GEU pour 2142 naissances vivantes, soit un taux hospitalier de 3,45%. L'âge des patientes était compris entre 15 et 42 ans, avec une moyenne de 26,46±5,42. La Figure 1 illustre la distribution en fonction des tranches d'âge. Les adolescentes représentaient à elles seules 12,33% des cas. Le Tableau 1 résume les caractéristiques sociales. Le délai moyen entre le début des symptômes et l'admission était de 132h. Le délai entre la dernière grossesse et la GEU en cours variait de 7 à 180 mois, avec une moyenne de 60±44 mois. L'histoire d'infertilité était retrouvée chez 68,92% de cas. Les nullipares et les primipares étaient les plus représentées, avec 46 cas au total, soit 62,16%. L'âge gestationnel moyen au moment du diagnostic était de 8,14 semaines, et le nombre moyen d'enfants vivants par femme était de 1,3. Le diagnostic était clinique dans la majorité des cas avec 60,81%, suivi de l'échographie 36,49%. L'ampoule tubaire était la zone la plus touchée, avec 68,06%, et la GEU était rompue dans 69 cas, soit 92%. Le volume moyen de l'hémopéritoine était de 1291±850ml. Les adhérences pelviennes étaient retrouvées chez 74% des cas, et l'annexe controlatérale était cliniquement normale dans 52,8% des cas. Le traitement était chirurgical d'emblée chez 72 patientes, soit 97%. Quinze cas (20,5%) ont été transfusés. Le geste opératoire le plus réalisé était radical (salpingectomie) dans 89% de cas. Aucun cas de complication opératoire ni de mortalité n'a été observé.

 

Nous avons observé une incidence hospitalière de 3,45%, chiffre très élevé par rapport à celui des pays développés qui varie entre 1% et 2% [2]. Ce chiffre reste au-dessus de 1,1% obtenus par KOUAM et al. [6] au CHU de Yaoundé. L'incidence élevée de notre étude s'expliquerait par l'hypofertilité déjà objectivée de cette région du pays [5]. Il est bien établi que la GEU est plus fréquente chez les femmes ayant une histoire d'infertilité [2,7]. L'âge moyen des patientes était de 26,46 ans, inférieur à celui de DOHBIT et al. [8] qui était de 29 ans. La région du Sud-Cameroun où a été réalisée notre étude est parmi celles où la sexualité est précoce. En effet, à 15 ans, 50,5% des adolescentes dans notre région d'étude ont déjà eu des rapports sexuels [5]. Le délai moyen entre la dernière grossesse et la GEU en cours était de 60 mois. D'après la littérature, la GEU survient surtout chez les femmes qui ont un antécédent d'infertilité [1]. Dans notre série, 68,92% avaient un antécédent d'infertilité.

 

Le diagnostic était clinique dans 60,80% de cas. La prédominance de la méthode clinique dans le diagnostic de la GEU est fréquente dans les études réalisées dans les pays en voie de développement [6,8], où les malades consultent non seulement à un âge avancé de la grossesse, mais aussi très tardivement après le début des symptômes. Le volume moyen de l'hémopéritoine était de 1291±850ml, justifiant la prépondérance de la méthode clinique de diagnostique qui se faisait pour la plupart, par simple paracentèse ou culdocentèse. Les adhérences pelviennes étaient retrouvées chez 74% des cas. Il est bien établi que ces adhérences résultent souvent des infections pelviennes chroniques et sont source de GEU et d'infertilité [1]. En effet 53,4% des cas dans notre série avaient des antécédents d'IST. L'annexe controlatérale était cliniquement normale dans 52,8% des cas. Nous n'avons pas retrouvé les données concernant l'état macroscopique de l'annexe controlatérale dans la littérature, pourtant ce paramètre nous semble important dans pronostic de fertilité ultérieure. Les consultations tardives des patientes, associées aux pertes sanguines élevées justifieraient la prédominance du traitement chirurgical, réalisé dans 97% de cas. Comme dans d'autres études [4,6], aucun cas de complication opératoire ni de mortalité n'a été observé. Si la prise en charge est immédiate une fois le diagnostic établi, la GEU est rarement mortelle. Dans notre série, tous les cas étaient pris en charge en urgence sans exigence financière ou matérielle préalable.

 

 

Conclusion

La GEU est très fréquente à Sangmelima, avec une incidence hospitalière de 3,45 pour 100 naissances vivantes. Le facteur de risque le plus retrouvé est l'antécédent d'IST. La majorité des patientes arrivent en état de rupture tubaire, avec pour conséquence un traitement chirurgical radical. Les efforts doivent être faits pour amener les patientes à adopter un comportement sexuel responsable et à consulter tôt en cas de signes évoquant une IST ou une GEU.

 

 

Conflits d´intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs

Kenfack Bruno, Noubom Michel, Bongoe Adamo: ont contribué à la conception de l'étude, à sa réalisation et à la rédaction de l'article. Kenfack Bruno, Nguefack Tsague Georges: ont effectué l'analyse des données. Atemkeng Tsatedem Faustin, Ngono Modeste, Mboudou Emile: ont effectué la revue de l'article. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Remerciements

Nous tenons à remercier sincèrement le personnel de l'Hôpital de District de Sangmelima pour leur contribution à l'aboutissement de ce travail.

 

 

Tableau et figure

Tableau 1: Caractéristiques sociodémographiques et cliniques de 74 patientes prises en charge pour grossesse extra-utérine à l'Hôpital de District de Sangmelima de Juillet 2005 à Juin 2008

Figure 1: Répartition par tranches d'âge de cinq ans de 74 patientes prises en charge pour grossesse extra-utérine à l'Hôpital de District de Sangmelima de Juillet 2005 à Juin 2008

 

 

Références

  1. Lansac J, Lecompte P, MarretH. Gynécologie pour le Praticien. Paris, Masson 1998; 122-125

  2. Svaligham V N, Duncan WC , Kirk E, Shephard L A, Horn A W. Diagnosis and management of ectopic pregnancy. J Fam Plann Reprod Health Care. 2011; 37(4): 231-240. This article on PubMed

  3. Kulp JL, Kurt TB. Ectopic pregnancy: diagnosis and management. Women's health. 2008; 4(1): 79-87

  4. Foumane P, Mboudou ET, Mbakop S et al. La place du traitement peu ou non invasif dans la prise en charge de la grossesse extra-utérine à l'hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé: une analyse rétrospective sur cinq ans. Clin Mother Child Health. 2010; 7(1): 1201-1204

  5. Institut National de Statistiques et ORC Macro. 2004. Enquête Démographique et de Santé du Cameroun 2004. Calverton, Maryland, USA

  6. Kouam L, Kamdom-Moyo J et al. Treatment of ectopic pregnancies by laparotomy in under-equipped countries. A series of 144 cases at the Yaounde University Hospital Center (Cameroon). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris). 1996;25(8):804-8. This article on PubMed

  7. Dubuisson JB, Chapron C. Extra-uterine pregnancy. Etiology, diagnosis, course of disease, treatment. Rev Prat. 1998 May 1;48(9):1037-9. This article on PubMed

  8. Dohbit JS, Foumane P, Kapche MD et al. Grossesse extra-utérine à l'Hôpital régional de Bafoussam. Clin Mother Child Health. 2010; 7(1) : 1189-1193