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Le tératome cervical: à propos de 2 cas

Le tératome cervical: à propos de 2 cas

 

Mohamed Rami1,&, Abdelhalim Mahmoudi1, Aziz ElMadi1, Khalid1, Khattala1, Abderrahmane Afifi1, Youssef Bouabdallah1

 

1Service de chirurgie pédiatrique, CHU Hassan II, Fès, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Mohamed Rami, Service de chirurgie pédiatrique, CHU Hassan II, Fès, Maroc

 

 

Introduction

Du mot grec tératos = monstre, les tératomes sont des tumeurs malformatives dérivant de la transformation des cellules germinales. La localisation cervicale est rare, et nécessite une prise en charge multidisciplinaire. Le diagnostic anténatal est primordial vu le risque de détresse respiratoire. Il est encore peu réalisé dans notre contexte, et retarde de ce fait la prise en charge.

 

 

Observation

Observation 1

 

Il s’agit d’un nouveau né de sexe masculin, sans antécédents particuliers, admis à J3 de vie pour une masse cervicale droite. L’examen trouve un nouveau-né tonique, réactif, pouls = 92 battement/min, une fréquence respiratoire à 32 Cycles/min, sans cyanose, ni dyspnée, une masse rénitente de 10 cm environ, indolore avec télangiectasies. Le bilan biologique est revenu normal, et les taux de ßHCG et aFP négatifs. Le scanner cervical a objectivé une masse hypodense contenant des travées et des calcifications, sans envahissement des vaisseaux ni de la trachée. Le traitement a consisté en l’exérèse chirurgicale totale de la masse, qui n’envahissait pas les structures adjacentes. L’étude anatomopathologique était en faveur d’un tératome immature multi-tissulaire, avec 10 % de blastème, et un tissu nerveux immature. L’évolution est bonne, le patient a été perdu de vue à 4 mois du postopératoire.

 

Observation 2

 

Il s’agit d’un nouveau né de 23 jours, sans antécédents particuliers, qui présente depuis la naissance une masse cervicale antérolatérale droite, augmentant progressivement de volume. La famille rapporte également la notion de dyspnée et de cyanose notamment lors des tétées. L’examen trouve un nourrisson en bon état général, avec une masse cervicale d’environ 8 cm étendue depuis le creux sus-claviculaire jusque sous le menton, sans signes inflammatoires, ni circulation veineuse collatérale. La masse est fixe par rapport au plan profond, indolore, polylobée, et s’étend latéralement arrivant au muscle sterno-cléÏdo-mastoïdien. Le bilan biologique montrait une élévation de l’alpha-fœtoprotéine à 71,35 ng/mL. Le scanner cervical a montré une masse de 95/60 mm, tissulaire contenant des calcifications se rehaussant modérément, refoulant sans envahir les organes et vaisseaux voisins. Le traitement a consisté en l’exérèse totale de la masse. L’examen histologique est revenu en faveur d’un tératome mature. Les suites étaient simples, avec négativation du taux de l’alpha- fœtoprotéine. Le recul est de 2 ans.

 

Les Figure 1, Figure 2, Figure 3,et Figure 4 sont associées aux deux observations.

 

 

Discussion

Du grec tératos (monstre), les tératomes sont des tumeurs malformatives dérivant de la transformation des cellules germinales multipotentes. Ils sont composés de tissus ectodermiques, endodermiques et mésodermiques en proportions variables d’où le terme de tumeur embryonnaire [1,2].

 

Il s’agit d’une tumeur rare, 1/40000 naissances. La localisation cervicale représente 1,5 à 5 % de toutes les localisations [3]. Il existe une nette prédominance féminine (3/4 des cas). Son volume, empêchant la croissance normale du fœtus, peut être responsable d’une hypotrophie ou de prématurité. Les cellules germinales ou gonocytes primaires migrent au dépend du sac vitellin au cours des 1ères semaines de la vie intra-utérine, et vont coloniser le cordon sexuel formant des gonades primitives indifférenciées. Elles peuvent s’arrêter le long de leur migration pour se transformer et former une tumeur germinale bénigne ou maligne, celles-ci peuvent ainsi se localiser de la tête au coccyx de l’enfant [3,4].

 

Le tératome est une tumeur très hétérogène, kystique avec des parties solides. On peut retrouver des cheveux, des fragments osseux ou cartilagineux, des structures parfois organoïdes. Il est nécessaire de couper la totalité de la tumeur et de faire des prélèvements multiples pour ne pas manquer une zone indifférenciée, maligne dont la présence peut changer le pronostic [3,5].

 

Le diagnostic anténatal à l’échographie est possible dés le 2ème trimestre devant un hydramnios, mais surtout si l’on visualise une masse contenant des calcifications. On peut alors compléter par une IRM fœtale, celle-ci renseignera sur le degré de compression des voies aériennes supérieures. Le diagnostic anténatal permet de préparer la prise en charge du nouveau-né par une équipe multidisciplinaire, devant le risque de détresse respiratoire, mais également de prévenir une dystocie à l’accouchement, ou une rupture de la tumeur. Malheureusement, dans notre contexte il est encore peu réalisé, et le diagnostic n’est fait qu’à la naissance [3,5]. Ainsi une détresse respiratoire, causée par la tumeur serait fatale pour le nouveau né. Les deux cas de notre étude n’avaient heureusement peu ou pas de signes respiratoires, facilitant leur prise en charge. A la naissance le scanner ou mieux, l’IRM, permettent une bonne étude de la tumeur, la présence de calcifications, ses caractéristiques et de ses rapports avec les organes et vaisseaux. Le bilan sera compléter par le dosage de l’a fœtoprotéine, qui sera refait après exérèse [5,6].

 

Le pronostic est surtout respiratoire, lorsque le volume de la masse est important et comprime les voix aériennes. Ainsi le diagnostic anténatal permet une bonne prise en charge. Deux techniques de ventilation artificielle dès la naissance avant de clamper le cordon ombilical sont décrites, par un césarienne programmée : EXIT (ex- utero intra partum technique) où la tête du fœtus est extériorisé pour permettre l’exploration des voies aériennes, et réaliser une intubation voire une trachéotomie si nécessaire; OOPS (opération on placenta support) où le nouveau né est extériorisé en totalité et mis une table chirurgicale pour l’examen des voies aériennes. Ces techniques nécessitent une relaxation utérine maximale, pouvant être responsable d’hémorragie utérine grave, et de complications pour le nouveau né à type : de thrombopénie, d’ascite ou de pleurésie [2,6,7]. La chirurgie sera réalisé après une bonne mise en condition, sauf s’il y a dégradation de l’état général. L’exérèse totale de la tumeur est souvent aisée, vu qu’elle possède un plan de clivage par rapport aux tissus et organes de voisinage [6,7]. Ce qui a été le cas pour nos deux patients. Le pronostic dépens de la gravité des signes respiratoires, et des signes de malignité. Il est généralement bénin chez le nouveau né.

 

 

Conclusion

Le tératome cervical, est une localisation rare. Le traitement est chirurgical. Le diagnostic anténatal permet de mieux prendre en charge ces patients du fait du risque de détresse respiratoire à la naissance par compression. Le pronostic dépens essentiellement des signes respiratoires, et de la malignité ou non.

 

 

Conflit d’intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts.

 

 

Contribution des auteurs

Tous les auteurs ont participés à la prise en charge des patients : pour le diagnostic, le traitement, et le suivi. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale de ce manuscrit.

 

 

Figures

Figure 1: masse laterocervicale chez le patient 1

Figure 2: scanner cervicofacial montrant le tératome chez le patient 2

Figure 3: scanner cervicofacial en coupe sagittale chez le même patient

Figure 4: image peropératoire du patient 1

Figure 5: aspect postopératoire chez le patient 1

 

 

Références

  1. Shine NP, Sader C, Gollow I, Lannigan FJ. Congenital cervical teratomas: Diagnostic,management and postoperative variability. Auris Nasus Larynx. 2006 Mar;33(1):107-11. This article on PubMed

  2. Sichel JY, Eliashar R, Yatsiv I, et al. A multidisciplinary team approach for management of a giant congenital cervical teratoma. Int J Pediatr Otorhinolaryngol. 2002 Sep 24;65(3):241-7. This article on PubMed

  3. Azizkhan RG, Haase GM, Applebaum H, et al. Diagnosis, Management, and Outcome of Cervicofacial Teratomas in Neonates: A Childrens Cancer Group Study. J Pediatr Surg. 1995 Feb;30(2):312-6. This article on PubMed

  4. Sayan A, et al. Management of a rare cause of neonatal airway obstruction: cervical teratoma. J Perinat Med. 2007;35(3):255-6. This article on PubMed

  5. Shefali I Shah, Licameli Greg. Congenital cervical teratoma: Airway management and complications. Otolaryngol Head Neck Surg. 2001; 124:53-5. This article on PubMed

  6. Hirose S, Sydorak RM, Tsao K, et al. Spectrum of Intrapartum Management Strategies for Giant Fetal Cervical Teratoma. J Pediatr Surg. 2003 Mar;38(3):446-50; discussion 446-50. This article on PubMed

  7. Hasiotoua Maria, Vakaki Marina, Pitsoulakis George, et al. Congenital cervical teratomas. Int J Pediatr Otorhinolaryngol. 2004 Sep;68(9):1133-9. This article on PubMed